Le Billet

Pierre Dorion, celui qui nous échappe

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 9 novembre 2012 - 287 mots

On a beau vivre à l’heure d’un monde globalisé, il reste des pépites qui nous échappent, des scènes artistiques qui ne se dévoilent qu’à moitié.

Au Musée d’art contemporain de Montréal, il y a en ce moment une grande exposition [jusqu’au 6 janvier] consacrée au peintre québécois Pierre Dorion.

Trente ans de carrière – vingt années sont rassemblés dans la présente monographie –, une œuvre singulière, minimale, puissante. Il n’a jamais été exposé en France, son parcours est essentiellement nord-américain. Cette peinture fascinante nous a échappé.

La première rencontre est déconcertante, sèche, sans affect, sans effet, les toiles de Pierre Dorion sont lisses, peintes sans aspérités. Elles représentent des espaces comme vidés. Les tons sont presque toujours un peu laiteux, comme dans une nuit américaine, le style frôle l’hyperréalisme sans complètement s’adonner au précisionnisme. Mais, derrière l’évidence des scènes vides, l’expérience se densifie progressivement.

La mélancolie envahit les grandes salles du musée à tel point que la visite devient personnelle. Couloirs déserts, surfaces géométriques, aplats de couleurs et effets de surfaces, la peinture de Dorion scrute des appartements anonymes, des salles d’exposition de galeries célèbres. Le quai de Béthune, sur la Seine, est un haut lieu de rencontres homosexuelles, Dorion le représente désert, abstrait et sans anecdote. 101 Spring Street n’est pas juste une adresse new-yorkaise, c’est le siège de la Fondation Donald Judd. Le peintre dresse une réalité des espaces de l’art au vide suffocant. Il se focalise sur des bouches d’aération, des grilles de ventilation, mais ces respirations demeurent sans souffle. La peinture de Dorion est nourrie de paradoxes : de glaciale, elle devient sensuelle, bâtit une intimité avec le spectateur. Ce qui nous échappe construit l’émotion.

Voir la fiche de l'exposition : Pierre Dorion

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°652 du 1 décembre 2012, avec le titre suivant : Pierre Dorion, celui qui nous échappe

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