Art moderne - Photographie

Arles (13)

Picasso, ce Godard aux pinceaux

Abbaye de Montmajour - Jusqu’au 23 septembre 2018

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 29 août 2018 - 400 mots

Picasso et Godard ? Ils n’ont aucun lien ! C’est à peu près tout ce qu’il faut retenir de l’exposition programmée par le Centre des monuments nationaux à Arles.

Le cinéaste s’est bien exprimé sur le peintre dans une interview accordée à Alain Jouffroy en 1966 dans L’Œil, mais le Minotaure n’a a priori jamais rien dit sur l’auteur de la Nouvelle Vague. Le connaissait-il même ? Rien n’est moins sûr… Et, en effet, tout semble opposer les deux hommes : leur mode d’expression, leurs tropismes (l’Espagne pour l’un, la Suisse pour l’autre), etc. Aucun lien, donc, mais assurément des choses en commun. C’est ce qui autorise Dominique Païni, le commissaire de l’exposition, à rapprocher les deux monstres sacrés pour une même affiche arlésienne. Il s’agit moins d’une confrontation ou d’un dialogue, à l’instar du « Picasso-Picabia » qui se joue à Granet, que d’un parallèle établi entre les deux créateurs. Godard connaît son histoire de l’art en général et l’œuvre de Picasso en particulier, dont il convoque les reproductions des œuvres dans ses films (dont Pierrot le fou, dans lequel est punaisé au mur le Portrait de Jacqueline), voire les citations. Ainsi l’exposition démarre-t-elle avec l’extrait de Charlotte et son fils, dans lequel Belmondo a cette réplique : « Picasso, tu sais ce qu’il disait à Cocteau ? Que c’est un miracle de ne pas fondre dans son bain. » Pour Dominique Païni, « Godard veut déconstruire le cinéma, comme Picasso a déconstruit la peinture. » Mieux ! « Tous les deux ont voulu être les derniers ! » De fait, la peinture n’a plus été la même après Picasso, comme le cinéma ne le sera plus après Godard. À partir de là, commence la démonstration de celui qui accompagna Godard dans son exposition « Voyage(s) en utopie », à travers des montages-collages inédits du cinéaste, dont celui réalisé pour son Histoire du cinéma parue chez Gallimard, qui se termine par Picasso et montre comment le cinéaste travaille comme l’artiste : il coupe, colle, cite, s’approprie, digère. L’exposition fait l’impasse sur le parallèle entre les caractères entiers des deux hommes, tous deux vivant isolés à la fin de leur vie après avoir malmené leur siècle. Mais là n’est pas le propos de l’exposition, dont l’ambition est de « proposer un nouveau regard sur les deux créateurs », comme le dit Païni, qui conclut : « Après tout, les expositions sont faites aussi pour faire des hypothèses, pour bousculer l’ordre établi. » Opération réussie.

« Godard-Picasso : collage(s) »,
abbaye de Montmajour, route de Fontvieille, Arles (13), www.abbaye-montmajour.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°715 du 1 septembre 2018, avec le titre suivant : Picasso, ce Godard aux pinceaux

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