Art contemporain - Environnement

Issoudun (36)

Peinture : obsolescence programmée ?

Musée de l’hospice Saint-Roch - Jusqu’au 8 mai 2022

Par Amélie Adamo · L'ŒIL

Le 26 avril 2022 - 321 mots

L’idée originelle est ambitieuse : déployer en trois volets la vaste question de l’impact de l’environnement numérique sur le renouvellement de la peinture.

Après les Sables-d’Olonne, c’est au tour du musée d’Issoudun d’accueillir la seconde version, sous-titrée « Licences libres ». Plus d’une vingtaine de démarches, françaises et internationales, sont censées refléter le renouveau de la peinture contemporaine par une logique de réappropriation des images issues du Net et d’hybridation des techniques par l’usage d’outils logiciels. Pas sûr toutefois que le parti pris d’accrochage et le choix des œuvres répondent parfaitement à cette ambition. D’abord parce que, au prix d’un certain éclectisme, la peinture se trouve diluée dans un ensemble qui fait somme toute la part belle à l’installation et qui suggère, par la prolifération de programmes génératifs, photos, écrans et autres caméras, que la machine prend désormais le pas sur la main – obsolète ? – de l’artiste. Mais surtout parce que, fragile contre-point à ce constat, les œuvres peintes elles-mêmes ne rendent pas compte d’un éventuel renouvellement du médium. Dès la première salle, une chose saute aux yeux : les œuvres choisies, bien que fort récentes, ont un air de déjà-vu. Hormis le jeu des emprunts iconographiques ou plastiques à l’univers du numérique, la manière de les rendre en peinture n’est guère révolutionnaire, rien de nouveau ici si l’on considère l’apport antérieur du pop art ou de la Nouvelle Figuration, de l’abstraction géométrique ou gestuelle. Que ce soient les œuvres peintes à l’huile ou à l’acrylique, par la main de l’artiste ou assistées par ordinateur, l’ensemble choisi atteste d’une pauvreté picturale qui demeure impropre à révéler ce caractère « licencieux » revendiqué par le titre de l’exposition. Subversive, libre, cette peinture ne l’est guère, ni dans la manière dont elle demeure trop littéralement collée aux éléments qu’elle cite, ni dans la manière dont elle échoue à rendre compte de la violence du monde par une esthétique un peu trop formaliste ou faussement « érotico-trash ».

Courrier - juin 2022

Nous avons reçu une lettre de Camille Debrabant à propos de l’article sur son exposition « Peinture : obsolescence déprogrammée. Licences libres », à Issoudun du 12 février au 8 mai, publié dans L’Œil n° 754. Intitulé « Peinture : obsolescence programmée ? », cet article, que nous assumons, loue l’ambition de l’exposition, mais déplore son accrochage et le choix des œuvres qui attestent « d’une pauvreté picturale qui demeure impropre à révéler ce caractère “licencieux” revendiqué par le titre de l’exposition ».
La commissaire de l’exposition souhaite réagir ici :

 

« Peinture : obsolescence déprogrammée » devenu « Peinture : obsolescence programmée ? », le ton de l’article est donné par la rhétorique simpliste du titre détournant celui de l’exposition. Empreinte de plus de préjugés que de curiosité, cette critique réduit à un ensemble de « démarches » les artistes présentés sans même citer un seul nom – l’illustration mise à part –, et confond diversité et éclectisme. Dénonçant l’échec d’un renouveau artistique, Amélie Adamo ne semble pas craindre pour sa part d’entonner un refrain centenaire, exploitant la sempiternelle opposition entre l’homme et la machine. Dans une perspective anachronique et manichéenne, l’article renvoie dos à dos « un ensemble […] qui suggère que la machine prend le pas sur la main » et les peintures de l’exposition, réduites à de « fragiles contre-points [sic] ». Retour donc à la sacralisation de la main et au critère de l’originalité que la critique d’art Rosalind Krauss taxait déjà il y a trente ans de « mythe moderniste » ! 
Toutefois, il n’échappera pas au visiteur attentif que ce sont les artistes eux-mêmes qui invitent ici au dépassement d’une définition technique étroite : Jonas Lund à travers l’installation vidéo Viewer Improved Painting, Michael Riedel avec la sérigraphie PowerPoint Painting et Mishka Henner revendiquant pour sa photographie la filiation picturale des Dutch Landscapes. Plutôt que dans une opposition, aussi rassurante que factice et idéologiquement bornée, la richesse et la complexité des interactions entre le pictural et le numérique résultent d’œuvres travaillées tant par des effets de séduction que de résistance. Aussi convient-il de rendre justice, au-delà de toute lecture formaliste réductrice, à ces artistes qui donnent à voir autant qu’à penser le devenir des images contemporaines et leur économie numérique, pour peu qu’on leur accorde l’attention qu’ils méritent. N’en déplaise à la critique partisane, la seule peinture figurative n’a pas le monopole du regard… 

Camille Debrabant

 

« Peinture : obsolescence déprogrammée. Licences libres »,
Musée de l’hospice Saint-Roch, rue de l’Hospice Saint-Roch, Issoudun (36), www.museeissoudun.tv

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°754 du 1 mai 2022, avec le titre suivant : Peinture : obsolescence programmée ?

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque