Dijon

Peintre et sculpteur, les Rude à l’unisson

Par Suzanne Lemardelé · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2012 - 747 mots

François Rude est célèbre pour son groupe sculpté à l’Arc de triomphe, mais l’on connaît moins sa femme, artiste elle aussi. Dijon les honore tous les deux.

DIJON - « Mari et femme ont fait carrière côte à côte, la main dans la main. » C’est ainsi qu’en 1904, l’historien de l’art Louis de Fourcaud décrit les artistes Sophie et François Rude. Pourtant, si l’œuvre du sculpteur est largement passée à la postérité, les toiles de son épouse sont longtemps restées dans l’oubli. Pour preuve, le Musée des beaux-arts de Dijon, possesseur du plus grand fonds Sophie Rude, n’exposait jusqu’à aujourd’hui qu’un seul tableau de l’artiste. L’exposition dédiée au couple, première rétrospective consacrée à François Rude depuis 1955, est donc également l’occasion de découvrir le travail de celle qui partagea la vie du sculpteur durant trente-quatre ans. Dans les salles, les nombreux panneaux et frises chronologiques permettent de mieux comprendre leur histoire complexe. Sympathisant bonapartiste, le père de Sophie est contraint à l’exil lors du retour des Bourbon. Son protégé, François Rude, accompagne la famille à Bruxelles. C’est là-bas qu’il épouse Sophie, artiste comme lui. À Dijon, la jeune fille suit des cours du soir, les seuls alors autorisés à la gent féminine ; à Bruxelles, elle devient l’élève de Jacques-Louis David, lui aussi exilé. Sensible à la hiérarchie des genres, Sophie se consacre d’abord à la peinture d’histoire. C’est sa Belle Anthia (1820) – dont le prêt a malheureusement été refusé au Musée de Dijon – qui la fait connaître au Salon de Gand. Mais c’est déjà dans l’art du portrait que son talent se révèle le plus manifeste. Son Portrait de Wolf (1822), le prouve : très proche de celui d’Alexandre Lenoir (1815-17) par David, il fut d’ailleurs longtemps attribué au maître. Quelques autres toiles de la période bruxelloise témoignent de cet intérêt naissant. Certaines ont d’ailleurs été acquises très récemment, tel le Portrait présumé de Catherine Fremiet (1820) puisque, comme le souligne avec amusement la commissaire d’exposition Sophie Barthélémy, « plusieurs œuvres de Sophie Rude sont soudainement apparues sur le marché depuis que nous travaillons sur ce projet ».

Cheminements parallèles
Le parcours chrono thématique, pédagogique et bien conçu, permet de suivre l’évolution parallèle des deux époux. Leur retour à Paris signe le succès de François qui réalise alors son Jeune pêcheur napolitain jouant avec une tortue (1831-1833), sculpture en marbre d’une fraîcheur nouvelle. Une salle entière est également consacrée à son Départ des volontaires de 1792 (1836), sculpté pour l’Arc de triomphe de l’Étoile et devenu célèbre sous le nom de La Marseillaise. Maquettes, esquisses et travaux préparatoires détaillent la démarche d’un artiste qui ose délaisser les principes de composition académiques pour introduire dans son œuvre une expressivité et une dimension narrative toutes nouvelles. Le succès est immédiat. Devenue icône, la sculpture sera maintes fois réutilisée à des fins de propagande, comme le prouvent diverses affiches – de gauche comme de droite – réalisées tout au long du XXe siècle.

Outre les succès au Salon et les travaux célébrant l’Histoire et les gloires nationales, l’exposition permet également de découvrir des aspects moins connus de l’œuvre de François Rude, telle sa production d’inspiration religieuse. Le parcours se poursuit à l’étage avec une galerie de portraits réalisés par Sophie. Si ceux qu’elle effectue sur commande pour la bourgeoisie de l’époque peuvent sembler un peu superficiels, ceux peints pour ses proches sont pleins d’une acuité psychologique évidente. Sans complaisance aucune envers elle-même lorsqu’elle se représente en robe austère dans son Autoportrait (1841), elle parvient à y restituer la discrétion et la gravité qui la caractérisent. « Je me peindrai en riant quand je serai imbécile », répond-elle à ses détracteurs qui jugent la toile trop sérieuse. Cette sensibilité est également visible dans le portrait de son fils Amédée, petit garçon joufflu aux grands yeux intelligents, ou dans celui de son mari, qu’elle immortalise en patriarche barbu au regard pénétrant. En hommage à ce dernier, l’installation Après la Marseillaise, de l’artiste bourguignon Jacques Perreaut, est présentée dans La Nef, à quelques pas du musée et clôt ainsi sur une note contemporaine cette très belle exposition.

François et Sophie Rude, un couple d’artistes au XIXe siècle

Jusqu’au 28 janvier. (trois lieux) : Musée des beaux-arts de Dijon, Musée Rude, La Nef, http://mba.dijon.fr/, ouvert tous les jours sauf le mardi, 10h-17h. Catalogue édité par les éditions Samogy, 296 p., 35 €

Voir la fiche de l'exposition : François & Sophie Rude, citoyens de la Liberté - Un couple d'artistes au XIXe siècle

Citoyens de la liberté

- Commissariat général : Sophie Jugie, directrice du Musée des beaux-arts de Dijon

- Commissariat scientifique : Sophie Barthélémy, Matthieu Gilles, Catherine Gras, conservateurs au Musée des beaux-arts de Dijon, Wassili Joseph, doctorant en histoire de l’art

- Nombre d’œuvres : environ 200

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°378 du 2 novembre 2012, avec le titre suivant : Peintre et sculpteur, les Rude à l’unisson

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