Belgique - Art contemporain

XXE-XXE SIÈCLES / VISITE GUIDÉE

Pauline Curnier Jardin fait la révolution par le carnaval

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 27 novembre 2025 - 490 mots

Double actualité pour l’artiste française en Belgique avec une rétrospective à Anvers et un film inédit à Alost.

Anvers et Alost (Belgique). Pauline Curnier Jardin (née en 1980, à Marseille) aime se définir comme une anthropologue en devenir. À travers sa pratique artistique hybride, elle s’immerge dans la culture vernaculaire et festive européenne, qui s’exprime dans le carnaval, le cirque ou les processions et rituels religieux. Derrière son intérêt pour ces expressions collectives, il y a l’envie de mettre en lumière l’emprise des institutions patriarcales, comme l’Église et l’État, sur la sexualité, le genre et sur la vie quotidienne. Avec humour et un sens du visuel, elle brode sur les glissements de normes dans la société. En partant d’éléments réels ou de traumas historiques, elle propose un autre récit ancré dans la joie et l’émulation du collectif.

Exubérante et fantasque, sa pratique se partage entre arts visuels, arts de la scène et cinéma, et est fortement imprégnée des pays où elle a vécu et travaillé, de la France à l’Italie, en passant par l’Allemagne et les Pays-Bas. La grande rétrospective que lui consacre le M HKA à Anvers rassemble vingt années de films, installations, sculptures et dessins. Chez Pauline Curnier Jardin, l’intime n’est jamais loin du collectif et le local de l’universel. Dans une imposante nativité, elle évoque la double vie de Lella, une pizzaiola napolitaine. Aux fourneaux dans son restaurant, le soir, elle est bénévole la journée dans une crypte secrète où l’on voue un culte aux défunts. Avec son décor et ses personnages réalistes en céramique, l’artiste fait un rapprochement entre le four à pizza et les « boîtes à bébé » où les femmes peuvent déposer les enfants dont elles ne peuvent ou ne veulent avoir la charge, le ventre de la ville et le ventre des femmes. À Rome, elle a travaillé avec Feel Good Cooperative, un collectif de prostituées transsexuelles colombiennes avec qui elle a co-réalisé plusieurs films dont le diaphane Fireflies qui met en scène les travailleuses du sexe semblables à des lucioles sur le bord de la route. Au fil de ses œuvres, elle évoque son panthéon personnel, les artistes Ulrike Ottinger (née le 6 juin 1942) ou Caroline Rama (née le 17 avril 1918), les anonymes Trümmerfrauen, femmes qui, après la Guerre, ont déblayé les ruines de Berlin, ou encore Geneviève, sa mère, à qui elle rend hommage dans une touchante et scintillante installation.

L’actualité de Pauline Curnier Jardin en Belgique se poursuit à Alost où sont montrés deux films et installations. Dans Qu’un sang impur, elle offre un contrepoint féministe au film de prison homoérotique de Jean Genet où les jeunes détenus masculins sont remplacés par des femmes au corps flétri par l’âge mais vibrant de désir. Dans Jeanet Film Adulte (voir ill.), elle filme le carnaval d’Alost, et plus particulièrement les Voil Jeanet, cette confrérie d’hommes déguisés en femmes où le grotesque n’est jamais loin des stéréotypes sexistes et de la misogynie.

Les Associations de Pauline Curnier Jardin,
jusqu’au 25 janvier 2026, M HKA, 2000 Anvers, Belgique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°666 du 28 novembre 2025, avec le titre suivant : Pauline Curnier Jardin fait la révolution par le carnaval

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