Pamela Parmal : « Le costume fait partie des beaux-arts »

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · L'ŒIL

Le 7 août 2007 - 866 mots

Spécialiste de l’histoire de la mode française, Pamela Parmal nous dévoile la pertinence d’une telle exposition. L’occasion pour le public américain de découvrir la variété d’une jeune discipline.

En Europe comme aux États-Unis, l’intérêt des musées pour la mode ne cesse de croître. Le point avec Pamela Parmal, directrice du département Textile et Art de la mode du Museum of Fine Arts de Boston.

Quelle place occupe, au sein du MFA, la collection dont vous avez la charge ?
Longtemps les arts de la mode ont été relégués au rang des arts décoratifs, et les vieux costumes assimilés à des chiffons, à l’exception des habits de cour. Seuls les textiles semblaient trouver grâce aux yeux des amateurs et des conservateurs, qui les collectionnaient pour la beauté de leurs motifs, la richesse de leurs matières…
Le MFA fut le premier musée américain à considérer que les tissus et les costumes faisaient bel et bien partie des beaux-arts. Extrêmement riche (plus de 30 000 numéros d’inventaire) et éclectique, la collection textile et mode du musée va d’une robe égyptienne de l’Ancien Empire à un costume de nô
japonais, en passant par des pièces contemporaines venues d’Afrique, d’Europe et des États-Unis.
En outre, la bibliothèque conserve un fonds exceptionnel d’éditions rares : catalogues et ouvrages savants allant du xvie siècle à des publications contemporaines. C’est dire si notre département occupe une place de choix dans l’intérêt porté à l’histoire de la mode !

Quel est le projet de votre exposition, et quelles en ont été les difficultés ?
Au XIXe siècle, les riches Bostoniennes allaient à Paris pour s’habiller au dernier cri. Il m’a semblé intéressant, un siècle plus tard, de faire venir à Boston même les principaux acteurs qui composent la mode parisienne. Sur les quatorze stylistes pressentis, dix ont répondu à notre invitation : Azzedine Alaïa, Hussein Chalayan, Karl Lagerfeld pour Chanel, John Galliano pour Christian Dior, Christian Lacroix, Martin Margiela, Olivier Theyskens pour Rochas, Valentino, Viktor & Rolf et enfin Yohji Yamamoto.
Certes, la sélection peut sembler arbitraire. En outre, certains couturiers se sont montrés plus impliqués que d’autres dans le choix des modèles : Azzedine Alaïa, par exemple, était très enthousiaste. Mais au-delà de ses lacunes et de sa subjectivité, l’exposition propose un regard global et inédit sur la mode parisienne, le temps d’une saison.

Pourquoi avoir choisi une muséographie particulièrement théâtrale ?
Mon souhait le plus cher était de rendre, pour chaque styliste, pour chaque maison, l’atmosphère originelle du défilé 2006, son intensité dramatique, sa poésie, mais aussi son univers sonore…
Ainsi, les créations très vives et très colorées de Christian Lacroix sont-elles présentées sur un podium recouvert d’un fin tissu en lamelles d’or, chaque volant, chaque pli des modèles étant rehaussé grâce à un savant jeu de lumières. À l’opposé, l’univers de Yohji Yamamoto joue sur une alternance dramatique d’ombres et de lumières, de noirs et de blancs. Si Valentino a choisi de faire évoluer ses modèles dans une atmosphère évoquant les dunes de sable et l’immensité des ciels du désert, Azzedine Alaïa, quant à lui, a confié à son ami Jean Nouvel l’épure de sa mise en scène.
Enfin, pour évoquer l’univers poétique de Martin Margiela, on est allé jusqu’à reproduire l’installation de sa Maison, sorte de grand coffre percé de fenêtres à travers lesquelles les mannequins semblent surgir de la lumière.

Les accessoires jouent un rôle très important dans cette démonstration. Comment les avez-vous
choisis ?
Je les vois, en effet, comme des acteurs à part entière. À titre d’exemple, que serait un défilé Chanel sans l’hommage rendu par Karl Lagerfeld aux petites bottes blanches portées par Mademoiselle en personne dans les années 1950 ? De même, les modèles de Viktor & Rolf arborent les mêmes masques d’escrime que ceux des mannequins de Paris, un brin inquiétants.
Enfin, à travers le support d’audio-guides gratuits, le visiteur peut se replonger dans les bandes-son élaborées spécifiquement pour chaque défilé, lors de cette saison 2006. Soit une façon d’approcher encore de plus près l’univers poétique de chaque créateur…

Quels sont vos projets pour le développement futur de votre département au MFA ?
Outre mon désir de faire évoluer le regard du public sur la mode à travers d’autres expositions comme celle-ci, je souhaite étoffer les collections des xxe et xxie siècles. Le musée vient ainsi de recevoir une donation exceptionnelle de plus de quatre-vingts modèles du créateur américain Geoffrey Beene.
Je poursuis, parallèlement, l’acquisition de textiles contemporains venus d’Afrique et d’Inde. Mais je rêve également de faire définitivement tomber les barrières entre les arts de la mode et les autres arts. J’ai ainsi le projet de présenter des chaussures dans les collections permanentes et de les faire dialoguer avec des tableaux. N’est-ce pas la meilleure façon de décloisonner enfin les disciplines ?

Haute Couture

Une appellation hautement contrôlée Créée en 1868, la Chambre syndicale de la haute couture est présidée par Didier Grumbach. Les maisons jouissant de l’appellation Haute Couture y adhèrent. Cette appellation est juridiquement protégée. Seules les entreprises figurant sur une liste établie chaque année par une commission siégeant au ministère de l’Industrie peuvent en bénéficier. Cette année, ces 8 maisons sont : Adeline André, Chanel, Christian Dior, Christian Lacroix, Dominique Sirop, Franck Sorbier, Givenchy et Jean-Paul Gaultier

Autour de l’exposition

Informations pratiques L’exposition « Fashion Show » se tient jusqu’au 29 janvier 2007. Musée des Beaux-Arts (Museum of Fine Arts), 465 Huntington Avenue, Boston. Ouvert le lundi, le mardi, le samedi et le dimanche de 10 h à 16 h 45, le mercredi, le jeudi et le vendredi de 10 h à 21 h 45. Tarifs : environ 22 €. Tél. 00 1 617 267 9 300, www.mfa.org

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°587 du 1 janvier 2007, avec le titre suivant : Pamela Parmal : « Le costume fait partie des beaux-arts »

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