Paris-4e

Natures artificielles

Centre Pompidou - Jusqu’au 15 avril 2019

Par Stéphanie Lemoine · L'ŒIL

Le 28 mars 2019 - 363 mots

Depuis 2017, le cycle d’expositions « Mutations/Créations » au Centre Pompidou affiche une visée résolument prospective en matière d’art, de design et d’architecture.

Après « Imprimer le monde » et « Coder le monde », « La fabrique du vivant » et la rétrospective dédiée à l’artiste brésilienne Erika Verzutti en constituent le troisième volet. La première dresse un état des lieux aussi complet que possible des perspectives ouvertes par les biotechnologies aux créateurs : une cinquantaine d’entre eux présentent leurs recherches les plus récentes en matière de biomatériaux, de « vie artificielle » et de fusion homme-machine. En regard, les sculptures organiques et sensuelles disposées en îlots par Erika Verzutti dans la Galerie 3 font figure de contrepoint, mais leur facture résolument « low-tech » n’arrive pas tout à fait à dissiper la fascination qu’opèrent sur le visiteur les formes nées de la rencontre entre les technologies numériques et la biologie. Dès les premières sections, consacrées à l’architecture et au design, « La Fabrique du vivant » souligne en effet les enjeux esthétiques, économiques et écologiques d’une telle rencontre. Conçus à partir de biomatériaux (mycélium de champignons, micro-algues, soies et même tissus humains), souvent « imprimés » en 3D, les objets (assises, vases, meubles, tissus, lampes…) présentés négocient une nouvelle relation aux formes et aux processus de fabrication : à la solidité recherchée par tout designer, ils font succéder l’instable, l’indéterminé, et parfois même l’informe. D’ailleurs, certaines pièces présentées, dont la structure en briques de mycélium de David Benjamin, qui diffuse alentour une odeur involontaire de champignon, sont amenées à évoluer au cours de l’exposition. Biodégradables, ces matériaux sont aussi pour certains « auto-produits » et nécessitent une « fabrication lente » dont on perçoit encore mal, cela dit, les applications à échelle industrielle. Plus loin, des maquettes et perspectives architecturales signées XTU ou EcoLogic Studio préfigurent l’avènement de bâtiments « vivants », véritables organismes productifs (d’énergie notamment). Dans l’air du temps, ces artefacts se donnent pour des processus. Ce qui explique sans doute en partie leurs usages dans le champ artistique, présentés dans les deux dernières sections de l’exposition. Les natures, corps, environnements et même odeurs recréés artificiellement par les artistes hésitent alors entre critique des biotechnologies et recherche du sublime et d’une nouvelle temporalité de l’œuvre, ouvrant là encore de fascinantes perspectives.

« La fabrique du vivant. Mutations/Créations 3, »,
Centre Georges Pompidou, place Georges-Pompidou, Paris-4e, www.centrepompidou.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°722 du 1 avril 2019, avec le titre suivant : Natures artificielles

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