XIXE-XXE SIÈCLE

Naissance d’un art brut

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 15 février 2018 - 505 mots

PARIS

La Maison de Victor Hugo suit les pas de quatre aliénistes remarquables, inventeurs de « l’ art des fous ».

En 2012, lors de l’exposition « Entrée des médiums. Spiritisme et art de Hugo à Breton », première plongée aux racines de l’art brut, les rapports entre Victor Hugo et le spiritisme étaient évidents. Cette fois-ci, les commissaires de « La folie en tête », Gérard Audinet et Barbara Safarova, ont peiné à associer Hugo aux inventeurs de l’art des fous, comme en témoigne la première salle du parcours se résumant à quelques lettres et photographies d’Eugène, frère de Victor Hugo, et de sa fille Adèle qui fut internée à l’hôpital de Suresnes de 1872 jusqu’à sa mort en 1917. Ébranlé par la maladie mentale de l’un et l’autre, l’auteur des Misérables n’évoque pourtant guère la folie dans son œuvre.

L’objectif de l’exposition ? Rendre hommage à quatre psychiatres et aux artistes qu’ils ont soutenus, des praticiens qui furent les inventeurs de « l’art des fous ». L’occasion pour le visiteur d’effectuer un tour d’Europe à la rencontre de ces aliénistes mus par une même culture humaniste et une réelle sensibilité artistique : le docteur William Browne (1805-1885) qui officia au Crichton Royal Hospital dans la ville écossaise de Dumfries ; le docteur Auguste Marie (1865-1934), médecin à Villejuif qui rejoindra par la suite l’hôpital Sainte-Anne ; le psychiatre Walter Morgenthaler (1882-1965) qui dirigea l’asile de la Waldau près de Berne ; et Hans Prinzhorn (1886-1933) qui géra le Fonds de l’hôpital psychiatrique de l’université de Heidelberg comme une collection muséale.

Femmes aux corps tronqués
Organisée de façon chronologique et agréablement mise en scène sous un éclairage tamisé, l’exposition réunit plus de 200 œuvres peu ou pas exposées en France. À l’image de cette étude de William Bartholomew – un ancien graveur, interné avant de devenir l’assistant du docteur William Browne – figurant trois hommes perdus dans leurs pensées, ployant sous le poids de têtes disproportionnées par rapport à la taille de leur corps. La collection du docteur Marie, qui cherchait à « encourager les malades dans leurs dispositions naturelles », recèle, elle aussi, quelques œuvres étonnantes comme cette broderie anonyme faite de fils de coton sur coton noir représentant des humains à tête d’oiseau. Ou ces feuilles d’Émile Josome Hodinos figurant des femmes aux corps tronqués.

Né dans une famille d’artistes et frère d’un des plus importants peintres figuratifs de l’art suisse de la première moitié du XXe siècle, Walter Morgenthaler a contribué à transformer les asiles psychiatriques en établissement thérapeutiques en misant sur l’expression picturale de ses patients. Un des protégés de cet hôpital exemplaire est Adolf Wölfli, auquel Morgenthaler consacrera une monographie.

La dernière section de l’exposition présente quelques pépites de la collection de Hans Prinzhorn devenue mythique grâce à son livre Expressions de la folie, publié en 1922 et immédiatement salué par les surréalistes. « L’étude de Prinzhorn n’entend pas instituer des frontières entre la pathologie et l’esthétique ; bien au contraire, elle veut étendre le champ figuratif, faire voler en éclats les schémas traditionnels de l’histoire de l’art », souligne Barbara Safarova.

INFORMATIONS

La folie en tête, aux racines de l’art brut,
jusqu’au 18 mars, Maison de Victor Hugo, 6, place des Vosges, 75004 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°495 du 16 février 2018, avec le titre suivant : Naissance d’un art brut

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque