Mathieu Pernot : retour de Lesbos

« Je n’ai jamais ressenti autant l’injustice, le désespoir. À la différence de Calais, il y a beaucoup de femmes, d’enfants et de personnes âgées. » Dès le début de l’exposition, la situation du camp de Moria et l’incendie qui l’a ravagé le 9 septembre 2020 sont posés. Un portrait d’une jeune femme noire au pull rouge, une courte vidéo de l’incendie et une photographie du camp complètement détruit suffisent. Depuis une dizaine d’années, le photographe travaille sur la situation des réfugiés, en France essentiellement. Des extraits de séries plus anciennes le rappellent, notamment celles des corps sous des couvertures à Paris ou des cahiers de réfugiés afghans aux pages relatant l’apprentissage du français et leur propre histoire. Dans les photographies de Lesbos, on retrouve la même sobriété pour raconter le dénuement, les abris de fortune, l’attente et l’absence d’infrastructures. Les vidéos réalisées au téléphone portable par des réfugiés du camp de Moria condensent leur propre récit sur leur quotidien, leurs révoltes et les attroupements de masse au poste frontière avec la Turquie. « Que faut-il taire ? Que faut-il dire ? Que faut-il déplorer ? » : ce questionnement tiré des Troyennes d’Euripide, placé en exergue, résume à lui seul ce que l’on éprouve devant cette tragédie dont la narration dans les espaces du Musée juif de Belgique résonne doublement.