Manessier, paysagiste abstrait

Alfred Manessier est aujourd’hui principalement connu pour ses œuvres abstraites à caractère religieux, notamment les vitraux qu’il a réalisés pour l’église Saint-Nicolas à Fribourg en Suisse (1980-1981) et ceux de l’église du Saint-Sépulcre d’Abbeville, conçus l’année de sa disparition, en 1993. Pourtant, tout au long de sa carrière – du début des années 1940 à sa mort –, il ne cesse de peindre des paysages, des vues de la baie de Somme et de la Picardie, suivant la même voie abstraite. Né en 1911 à Saint-Ouen, Manessier se forme à l’école des Beaux-Arts d’Amiens entre 1924 et 1929. Il rencontre ensuite Le Moal, Bissière et Bertholle, avant de participer, en 1941, à l’exposition « Vingt jeunes peintres de tradition française » organisée par Jean Bazaine, aux côtés de Lapicque et Singier. L’année suivante, il peint ses premiers paysages à l’aquarelle. L’exposition organisée au musée de Picardie se concentre sur cet aspect particulier de sa production, en réunissant cent soixante-dix œuvres – quelques huiles, mais principalement des œuvres graphiques, pastels, encres, lavis et aquarelles, préparatoires à des tableaux ou non –, provenant dans leur immense majorité de collections privées. À partir d’un thème assez limité – la baie de Somme et ses alentours, les ports, les marais et les étangs – qui a donné lieu à un nombre impressionnant de variations, l’exposition permet de montrer l’évolution stylistique de l’artiste, presque année après année. Se détachant rapidement de l’influence fauve et cubiste de ses tout premiers dessins, Manessier élabore des compositions à la construction complexe, régies par des réseaux de lignes réduisant les éléments figuratifs (arbres, barques...) à l’essentiel, dans des recherches chromatiques de plus en plus subtiles.