Art ancien

XVIIIE-XIXE SIÈCLE

Louis Boilly ou le goût de Paris

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2022 - 683 mots

PARIS

En observant avec acuité, tendresse et humour la vie des habitants de la capitale, ce Flamand a donné ses lettres de noblesse à la scène de genre parisienne.

Paris. Après Londres qui, en 2019, présentait « Boilly : Scenes of Parisian Life », Paris accueille cette exposition consacrée à Louis Léopold Boilly (1761-1845), sous le commissariat d’Annick Lemoine, ex-directrice du Musée Cognacq-Jay promue au Petit Palais, et le commissariat scientifique d’Étienne Bréton et Pascal Zuber, auteurs du catalogue raisonné du peintre paru en 2019.

Le Musée du Louvre a prêté, entre autres, L’Entrée du théâtre de l’Ambigu-Comique à une représentation gratis (1819) et le Musée Carnavalet, Distribution de vin et de comestibles aux Champs-Élysées, à l’occasion de la fête du roi (1822). Cependant, la plupart des presque 130 œuvres et objets présentés proviennent de collections particulières et notamment de celle du Britannique Harry Hyams.

Louis Boilly, pilier des collections du XIXe siècle et artiste encore aujourd’hui très apprécié à l’étranger, a dû produire plus de 1 700 peintures et dessins – sans compter les quelque 5 000 portraits en buste de ses contemporains, tous du même format et encadrés de la même manière. On en connaît un millier (40 sont accrochés à l’exposition) ; d’autres réapparaîtront peut-être s’ils sont identifiés, car ils n’étaient pas signés. Cet as de la communication a lancé, au Salon de 1800, ces portraits exécutés « en une séance de deux heures », comme le précisait alors le livret. Parisiens, provinciaux et étrangers se pressèrent dans son atelier pour profiter de l’aubaine sans beaucoup dépenser car l’homme n’était pas cupide. Il lui suffisait d’avoir de quoi élever ses enfants et vivre dans le confort d’un petit-bourgeois parisien.

Sur les boulevards, dans les guinguettes

Ce natif des environs de Lille a hérité des peintres hollandais du Siècle d’or (Gabriel Metsu, Gerard Ter Borch, Caspar Netscher, Gerrit Dou), très à la mode à la fin du XVIIIe siècle. Il a connu le succès avec ses scènes galantes, notamment une série de huit dont le sujet était déterminé par le commanditaire, Antoine Calvet de Lapalun, entre 1789 et 1791. Une production qu’il dut abandonner en 1794, époque où l’on ne plaisantait pas avec ces goûts de ci-devant, et dont quelques exemples figurent à l’exposition. On y trouve également des trompe-l’œil, genre classique qu’il a porté à la perfection.

Les scènes parisiennes, descendant en droite ligne des cabarets de Jan Steen ou d’Adriaen van Ostade et des kermesses flamandes, sont glanées sur les boulevards ou dans les guinguettes installées à proximité des portes de la capitale. Plusieurs proviennent de la collection Hyams : Le Jeu du tonneau (vers 1838), Le Spectacle ambulant de Polichinelle (1832), toile dans laquelle on peut admirer son talent de coloriste, ou encore Scène du carnaval (1832), bel exemple de l’utilisation de l’architecture par le peintre – une salle consacrée aux appareils optiques qu’il affectionnait permet de comprendre de quelle manière il parvenait à cette précision quasi photographique.

Grâce à l’appel fait aux collections privées sont réunies presque toutes les études préparatoires connues pour L’Arrivée d’une diligence dans la cour des Messageries (1803, [voir ill.]). Dans ce tableau du Louvre comme dans tous ceux qui montrent des foules, les visiteurs sont incités à chercher le visage du peintre qui adorait pratiquer le jeu, traditionnel dans l’histoire de l’art, de s’immiscer dans les scènes qu’il représentait. Car Boilly était facétieux et on peut le deviner en admirant les caricatures réalisées en lithographie mais aussi celles qui figurent dans des tableaux tel La Marche incroyable (vers 1797) pour lequel il a revêtu l’habit de l’Incroyable. L’autoportrait le plus émouvant se niche cependant dans une scène intimiste, Après le souper (apr. 1830). On le voit assoupi, assis à la table où subsistent les restes du repas, dans la quiétude d’un soir d’été parisien. La flamme de la chandelle est droite malgré la fenêtre ouverte et aucun animal de compagnie ne vient solliciter une jeune femme qui lit une lettre (sans doute sa bru). Le peintre des foules bigarrées, des animaux joueurs et des enfants charmants s’y montre à nu : en homme simple et grand artiste.

Boilly. Chroniques parisiennes,
jusqu’au 26 juin, Musée Cognacq-Jay, 8, rue Elzévir, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Louis Boilly ou le goût de Paris

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