Les secrets du dalaï-lama

Le Musée Guimet explore les rituels tibétains

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 24 janvier 2003 - 598 mots

À travers un manuscrit des Visions secrètes, rédigé par le Ve dalaï-lama (1617-1682) à la fin de sa vie, le Musée national des arts asiatiques-Guimet, à Paris, explore l’art et les rituels du bouddhisme tibétain. Desservis par une scénographie sobre, les quelque cent soixante-dix objets réunis – peintures, sculptures, objets rituels, mobilier – évoquent aussi un pan de l’histoire politique et religieuse du Tibet.

PARIS - Chef spirituel du Tibet, unifié sous son autorité à partir de 1642, le Ve dalaï-lama, Lozang Gyatso (1617-1682), est une figure majeure de l’histoire tibétaine. De l’âge de six ans jusqu’à sa mort, il a consigné par écrit ses nombreuses visions. Accompagné de planches illustrées, un manuscrit de ses Visions secrètes, réalisé entre 1674 et 1681 pour un cercle restreint de lecteurs, a été légué par Lionel Fournier au Musée national des arts asiatiques-Guimet, à Paris, en 1989. Autour de cette œuvre, le musée a réuni quantité de sculptures, peintures portatives (thang-ka) et objets cultuels qui évoquent le “Grand Cinquième” et les figures sacrées de son récit – diverses formes de bouddhas, bodhisattvas, ou de grandes figures historiques comme le roi Srongtsen Gampo, bâtisseur de l’empire tibétain, mort en 649. Peints ou sculptés, les personnages de ses écrits, tels Amitayus, bouddha de la “Vie infinie”, Avalokistesvara, bodhisattva de la Compassion, ou Pelden Lhamo, la “déesse glorieuse”, accueillent le visiteur. Un espace est ensuite consacré au maître indien Padmasambhava – littéralement “Né du Lotus” –, introducteur du bouddhisme tantrique au Tibet au VIIIe siècle. Les Anciens (ou Nyingmapa) voyaient en lui un second Bouddha. Disposées sur des cimaises de couleur noires et accompagnées d’une prière bouddhique que diffuse une bande sonore, une série de peintures sur toile ou sur soie noire créent une atmosphère particulièrement mystique : les divinités protectrices subtilement dessinées à l’or et rehaussées de touches de couleurs semblent surgir de nulle part. Nombre de ces toiles noires figurent Mahakala, dieu protecteur qui combat l’ignorance. D’autres peintures sont exécutées à l’or sur fond rouge, comme Padmasambhava sous son aspect Guru dragmar (XVIIIe siècle), qui tient un scorpion géant, signe de sa maîtrise des éléments de la vie, et dont la partie inférieure du corps est formée d’un makara, monstre aquatique.

Obtenir la transformation spirituelle
Les planches du manuscrit des Visions secrètes, ou Manuscrit d’or (1674-1681), ne figurent pas les divinités elles-mêmes, mais des dispositifs complexes inhérents aux cérémonies. Des objets rituels – clochette, crâne, poignard, vase ou trépied – sont soigneusement dessinés, aux côtés de mandala (diagrammes de forme circulaire symbolisant le domaine sacré d’une divinité), de cakra (“charmes” contre les mauvais esprits), et de linga (symboles des passions à dominer). Ces représentations soulignent le raffinement de l’utilisation des objets rituels, dont la suite du parcours offre de beaux exemples. Parmi eux, le vajra dispense des bénédictions qui, tels des rayons de lumière, émanent du cœur des bouddhas et bodhisattva. L’emploi de ce type d’instrument est soumis à une initiation transmise par un maître, et son usage s’accompagne de la récitation de syllabes sacrées, les mantra, et de gestes symboliques, les mudra. Divers éléments mobiliers, coffres ou cabinets destinés à contenir les torma, gâteaux de pâte colorée incarnant les divinités, mais aussi des tapis, bannières et peintures d’offrandes, sont également exposés. Leur iconographie macabre symbolise la vacuité et fait référence au détachement nécessaire de l’ego de tout désir ou aversion, pour obtenir la transformation spirituelle et la “Libération”.

RITUELS TIBÉTAINS. VISIONS SECRÈTES DU DALAÁ?-LAMA (1617-1682)

Jusqu’au 24 février, Musée national des arts asiatiques-Guimet, 6 place d’Iéna, 75116 Paris, tél. 01 56 52 53 45, tlj sauf mardi, 10h-18h. Catalogue, 224 p., 45 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°163 du 24 janvier 2003, avec le titre suivant : Les secrets du dalaï-lama

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