Cinéma

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Les monstres sympathiques de Tim Burton

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 10 avril 2012 - 785 mots

Conçue par le MoMA, la rétrospective « Tim Burton » présentée à la Cinémathèque française met en lumière le talent du cinéaste dessinateur.

PARIS - Si Paris n’a pas gagné l’organisation des J. O. de 2012, elle a remporté – et elle est, pour l’heure, la seule en Europe –, le droit d’accueillir l’exposition « Tim Burton », conçue en 2009 par le Museum of Modern Art (MoMA) de New York (lire le JdA no 318, 5 fév. 2010, p. 11) et qui n’a, entre-temps, voyagé que dans trois autres villes : Melbourne, Toronto et Los Angeles. De l’avis du réalisateur lui-même, « cette dernière version est la meilleure, parce qu’elle est très accueillante », ajoutant : « C’est plus un projet “carnavalesque” qu’une présentation muséale sérieuse. » L’exposition de la Cinémathèque française, qui réunit plusieurs centaines de pièces, montre évidemment ses pépites cinématographiques (la totalité des courts, moyens et longs-métrages), mais fait également découvrir des moyens d’expression moins connus, et ils sont légion : dessin, peinture, photographie, sculpture… Au final, Timothy William Burton, dit « Tim » Burton, né le 25 août 1958, à Burbank, ville de la banlieue de Los Angeles, y apparaît comme un artiste des plus complets et des plus prolifiques.
D’entrée de jeu, la scénographie installe le visiteur dans l’univers « burtonien ». Sont exposés la photographie d’une Femme bleue à la peau truffée de points de suture ; un Polaroid très grand format arborant une Poupée percée, avec des clous, et une sculpture représentant un Cactus avec des yeux. Bref, la mise en bouche ne manque pas de piquant. L’ambiance étrange s’installe plus encore dans une salle éclairée par de la lumière noire, dans laquelle tourne un carrousel de monstres marins et, en boucle, une musique signée Danny Elfman, compositeur attitré du cinéaste américain.

Mélange de styles
Pour évoquer les débuts de Tim Burton, l’exposition se veut très didactique, optant pour un décryptage quasi scientifique de ses personnages – Enfants, Créatures, Femmes, Nains, Couples, Pirates, Animaux, Clowns… , avant d’analyser , dans un second temps, ses films par ordre chronologique. Cette première partie est riche et passionnante. « Les commissaires ont réalisé une véritable fouille archéologique dans mes archives, explique Tim Burton. Je ne me rendais pas compte que j’avais conservé autant de dessins. » Bien lui en a pris, car le visiteur peut ainsi admirer la virtuosité graphique du (futur) cinéaste, dès ses premiers carnets de croquis alors que celui-ci est élève au « CalArts » (California Institute of the Arts), l’école d’art fondée jadis par les Studios Disney, lesquels embaucheront d’ailleurs Burton, dès sa sortie, quatre ans durant, comme artiste concepteur. « Je ne m’exprime pas très bien oralement, avoue le cinéaste. Mes dessins m’ont permis d’explorer mes idées subconscientes sans avoir besoin d’utiliser de mots. » On devine en tout cas la liberté que lui procure ce médium et l’aisance avec laquelle il lui permet de mélanger tous les styles : gothique et pop art, expressionnisme allemand et Grand-Guignol, etc. Le trait est acéré, les personnages, dérangeants : dents pointues, yeux globuleux ou arrachés, jambes interminables et maigrichonnes. « Quand j’étais petit, raconte Burton, je me sentais différent. Les gens me regardaient comme un monstre. Or, dans le cinéma, je trouve que les monstres sont les personnages les plus chargés d’émotion. Ce sont des êtres mal compris qui, en réalité, ne sont jamais ce qu’ils paraissent être. Ils sont le symbole profond de ce que je ressentais moi-même. » Reste que, aussi monstrueuses soient-elles, on ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine empathie pour la multitude de créatures inventées par Tim Burton.

Influences
Au fil du parcours, le visiteur a droit à ses premiers films Super-8, tournés dans les années 1970 avec ses copains de quartier, à ses premiers courts-métrages – Trick or Treat, Vincent… – et à sa première bande dessinée, The Giant Zlig (1976), illico adressée aux Studios Disney et dont il ne décrochera, en retour, qu’un chaleureux courrier d’encouragement, ici exhibé. En filigrane, se lisent diverses influences, des écrits du poète Edgar Allan Poe à des films comme Frankenstein ou Dracula.
Dès lors que le processus de création du cinéaste est amplement décortiqué dans cette première partie, le second volet, celui qui détaille un à un ses longs-métrages, apparaît fatalement décevant. Chaque film y est en effet présenté à travers un lot d’objets, de costumes, de documents graphiques et autres extraits. Cette absence de parti pris muséographique finit par lasser. Dommage !

TIM BURTON, L’EXPOSITION

Jusqu’au 5 août, La Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, 75012 Paris, tél. 01 79 19 33 33, tlj sauf mardi 12h-19h, jeudi nocturne jusqu’à 22h, week-end, jf et vacances solaires 10h-20h, www.cinémathèque.fr. Catalogue, 64 p ., 14,90 €.

BURTON

- Commissaires de l’exposition : Ron Magliozzi, Jenny He, avec Rajendra Roy (MoMA)
- Scénographie : Pascal Rodriguez
- Nombre de pièces : 700

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : Les monstres sympathiques de Tim Burton

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