Les fables sociales de Bertille Bak

Les vidéos, photographies et sculptures sélectionnées couvrent les dix dernières années de création de l’artiste. Le choix donne un bel aperçu de l’œuvre, engagée et politique, oscillant sans cesse entre le documentaire et la fiction. Qu’il s’agisse de l’équipage d’un bateau de croisière à Saint-Nazaire, de décortiqueuses de crevettes travaillant au Maroc pour une entreprise néerlandaise ou de cireurs de chaussures en Bolivie, l’intérêt que Bertille Bak porte à leurs conditions de travail fait appel à chaque fois au même mode opératoire. Une immersion de l’artiste, d’abord, au sein du groupe formé par ces hommes ou femmes, afin d’observer leurs gestes, rituels et ce qu’ils produisent, tout en étant attentive à ce qui se dit et ce qui ne se dit pas. La participation, ensuite, des membres du groupe à la construction du récit évocateur de leur métier et de leur vie les voit devenir les personnages du film, autrement dit, les acteurs de la narration de leur propre histoire. Fiction, humour, fantaisie et burlesque chez Bertille Bak servent à reconfigurer le vécu et à prendre le contrepied des représentations traditionnelles. Le retour de l’artiste sur sa propre expérience familiale liée au passé minier de la région d’Arras, où elle est née en 1983, emprunte lui-même, dans ­Mineur Mineur, cette forme de narration fictionnelle. Dans les cinq vidéos synchronisées de cette installation conçue en 2022, l’artiste dénonce le travail des enfants aujourd’hui dans les mines de cinq pays, à travers une parodie de kermesse qui n’est pas sans provoquer le trouble. L’installation Abus de souffle, réalisée spécialement par l’artiste pour l’exposition du Jeu de Paume, associe, elle, un film revisitant son travail avec une série de soufflets aux gabarits différents, fabriqués en collaboration avec le dernier artisan de soufflets du nord du Maroc. Une installation polyphonique et métaphorique.