Art moderne

XXE SIÈCLE

Léger, deux poids, deux mesures

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 29 mars 2018 - 501 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

Conçue et réalisée avec le Centre Pompidou-Metz, la rétrospective de l’œuvre du peintre se déplace à Bruxelles. Le Palais des beaux-arts rend compte des visions mécaniques du monde dans un parcours plus fluide.

Bruxelles. Gageons que parmi les visiteurs de Bozar, on ne trouvera aucun habitant de Metz. Et pour cause, car l’exposition de Fernand Léger de Bruxelles est très proche de celle qui a été présentée au Centre Pompidou-Metz. Pour cette collaboration, les musées ont bénéficié de prêts importants du « grand frère », le Centre Pompidou parisien, dans le cadre des grands événements de l’année anniversaire des 40 ans de l’institution. De plus, les deux manifestations ont pour commissaire Ariane Coulondre et partagent le même catalogue. Cependant certains tableaux que l’on trouve à Bozar ne sont pas reproduits dans cet ouvrage très fourni.

Pour autant, les deux manifestations ne sont pas identiques, même si leur articulation est fondée sur des principes semblables. À Bruxelles, le parcours, très fluide, laisse voir clairement l’évolution de l’œuvre de Léger. La scénographie élégante, souffre néanmoins d’étranges « murs » transparents en plastique jaune, censés marquer le passage d’une section à l’autre. À l’entrée, une œuvre monumentale (4,9 x 8,70 m) Le Transport des forces, qui était installée au Palais de la découverte à l’occasion de l’Exposition internationale des arts et techniques à Paris en 1937. Époustouflante, elle permet de voir à la fois l’engagement politique de l’artiste (la date est celle de l’arrivée au pouvoir du Front populaire) et son enthousiasme pour des projets de grandes dimensions, où la peinture est en partie liée avec l’architecture. Traitée avec le style particulier de Léger qui s’attache à des formes précises, définies par la géométrie des contours, des couleurs intenses, l’œuvre glorifie la modernité – fils électriques, train, production hydraulique de l’énergie. Une thématique classique pour un artiste fasciné par le progrès technique et l’introduction de la machine, qui soulagent les efforts humains.

Puis, viennent les différents stades du cheminement de Léger. Le cubisme, qu’il pratique à ses débuts bien différemment de Braque et Picasso. Grâce à un répertoire de formes cylindriques, baptisé « tubisme », l’artiste traite indifféremment le paysage urbain, son autre thème majeur, et la figure humaine, souvent aux allures de robot. Curieusement, c’est la guerre et la fameuse rencontre avec la culasse d’un canon, qui sont, selon Léger, la source d’inspiration de cette vision mécanique du monde. On regrette ainsi l’absence à Bozar, contrairement à Metz, de la formidable toile La Partie de cartes (1917-1918), avec ses soldats de couleur métallique. Suivent les sections qui montrent les liens du peintre avec la lettre et la poésie, avec le cirque et la danse, avec le cinéma (le célèbre Ballet mécanique de 1924) bref, on reprend plus ou moins les mêmes chapitres et l’on recommence. Un ajout important, toutefois, à Bruxelles, celui du rapport avec la photographie. Même si le parallèle avec les clichés réalisés par Charlotte Perriand n’est pas nécessairement probant, La Forêt (1942) – sujet inhabituel pour Léger – reste une œuvre magnifique, qui vaut le détour.

Fernand Léger, Le beau est partout,

jusqu’au 3 juin, Bozar, Palais des beaux-arts, rue Ravenstein 23, Bruxelles (Belgique).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°498 du 30 mars 2018, avec le titre suivant : Léger, deux poids, deux mesures

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