Art contemporain

Lee Ufan en nécropole magnétique

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 11 mai 2022 - 442 mots

Une petite quinzaine de ses œuvres sont subtilement insérées dans les ruines des Alyscamps.

Arles.« Dans Arles, où sont les Aliscans / Quand l’ombre est rouge, sous les roses / Et clair le temps / Prends garde à la douceur des choses. » Lee Ufan ne connaît pas « En Arles », ce poème de Paul-Jean Toulet, mais il sait que derrière une pierre l’ombre est sombre. Voire grise. Il nous l’a montré plusieurs fois par le passé notamment lors de son exposition au château de Versailles à l’été 2014. Invité, sous le commissariat d’Alfred Pacquement, à intervenir sur le site de la nécropole des Alyscamps à Arles, l’artiste décline une nouvelle version de cette œuvre en installant, dans une petite chapelle, une pierre puis en dessinant son contour et en peignant son ombre pleine sur les gravillons clairs qu’il a préalablement disposés au sol. L’installation est intitulée Relatum - The Solitude, rappelant ce concept qui domine son travail et consiste à mettre en « relation » et en « résonance », selon les termes qu’il utilise souvent, ses œuvres avec le contexte et l’environnement qu’il leur choisit, concept dont il fait ici une formidable et saisissante démonstration.

S’il ne se réfère pas à Toulet, Lee Ufan connaît en revanche Sei Shônagon, cette grande écrivaine japonaise (née vers 966 et décédée après 1013), autrice des fameuses Notes de chevet et prêtresse en subtilité et douceur des choses. C’est ainsi qu’avec beaucoup de délicatesse et de justesse Lee Ufan, sous le titre « Requiem », a glissé 13 œuvres nouvelles dans la nécropole, à l’exemple de cette trace de pinceau, devenue sa signature, qu’il a apposée ici dans une couleur verte sur un vitrail transparent, en écho aux feuillages derrière le verre. Juste une légère trace pour un résultat magistral. Toutes les autres œuvres sont à cette aune.

Une œuvre sonore

Auparavant, dans la grande allée bordée de sarcophages qui mène à l’église Saint-Honorat (dont l’artiste a investi les alcôves et la crypte), il a accroché 66 petites clochettes aux branches d’un pin, qui tintent avec le vent. Une œuvre sonore – ce qui est rare chez Lee Ufan, généralement plus porté sur le silence –, qui reprend un rituel de commémoration des morts en Corée et au Japon et se veut aussi un hommage à Christian Boltanski. À d’autres moments, l’adéquation entre l’intervention et le lieu est telle que le visiteur a l’impression que les œuvres se sont fondues dans les ruines. Il faut d’ailleurs chercher certaines d’entre elles pour les découvrir et être bien sûr que telle ou telle pierre de Lee Ufan n’appartient pas au lieu depuis toujours. Une façon d’évoquer et de suspendre le temps. Le comble d’une nécropole.

Lee Ufan, Requiem,
jusqu’à fin septembre, Nécropole des Alyscamps, avenue des Alyscamps, 13200 Arles.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°589 du 13 mai 2022, avec le titre suivant : Lee Ufan en nécropole magnétique

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