Art moderne

XIXE SIÈCLE

Le romantisme sans mélancolie

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 6 juin 2019 - 871 mots

Ne prétendant ni à l’exhaustivité ni à l’analyse historique, l’exposition « Paris romantique, 1815-1848 » du Petit Palais présente l’époque sous son angle créatif et joyeux.

Paris. Plus de 600 œuvres, un parcours immersif dans une belle scénographie signée Véronique Dollfus : pour son exposition d’été, le Petit Palais vise à renouveler l’événement « Paris 1900 » qui, en 2014, avait attiré 200 000 visiteurs. Avec « Paris romantique, 1815-1848 », sous le commissariat de Christophe Leribault, directeur du Petit Palais, l’ambition est de traiter plus de trente années de la vie agitée d’une capitale, siège d’une activité culturelle effervescente.

Si elle s’ouvre sur l’occupation de la ville par les troupes de la coalition ayant vaincu Napoléon Ier et se termine par la révolution de février 1848, l’exposition ne se risque pas à présenter une histoire politique et sociale de la Restauration et de la monarchie de Juillet. De même, il n’est pas question d’analyser le romantisme français ni de faire réellement connaître cette génération qui fit de Paris la capitale intellectuelle et artistique de l’Europe. Tout cela constitue plutôt une toile de fond, et, si le visiteur tient à s’informer, le catalogue, énorme, lui donnera des pistes.

De ces années, c’est l’ambiance qui est évoquée. Non pas celle des rues de Paris, encore sales et peu sûres – on est à l’époque de Vidocq, qui n’est pas cité ici. Il s’agit plutôt de se mettre dans le personnage d’un nanti fréquentant le beau monde et s’offrant les plus jolies choses. L’exposition est une vision irréelle et délicieuse d’un temps révolu, construite à l’aide de pépites dénichées dans les institutions de la Ville de Paris – Carnavalet ou le palais Galliera –, dans les musées régionaux et les collections particulières.

Destins romanesques

La salle d’introduction résume le paradoxe permanent qui consiste à faire admirer ce qui est montré et laisser deviner la réalité cachée. Ainsi de l’épisode de l’occupation de Paris en 1815 par une troupe de 300 000 hommes que la ville dut entretenir pendant quatre mois : aux murs, les estampes ne racontent qu’une invasion d’opérette, juste assez longue pour permettre aux grisettes de fraterniser avec les beaux cosaques venus camper aux Champs-Élysées.

La visite de la capitale romantique commence aux Tuileries avec la présentation des familles régnantes successives, les Bourbon et les Orléans. La virevoltante duchesse de Berry y côtoie la digne reine Marie-Amélie, sœur aînée de Marie-Antoinette, et l’artiste de la famille, la sculptrice Marie d’Orléans : trois destins terriblement romanesques. Les arts décoratifs sont représentés par quelques pièces de toute beauté qui donneront peut-être envie aux visiteurs de s’informer sur une période éclipsée par la proximité des deux Empires, beaucoup plus tapageurs. La salle suivante est consacrée à la mode et aux petits objets qui faisaient le quotidien du dandy et de l’élégante. La scénographie y reconstitue des vitrines du Palais-Royal dont la maquette de la galerie d’Orléans, prêtée par le Musée Carnavalet, est placée à l’entrée.

Puis nous voici au Louvre pour le Salon. Les œuvres réunies ici, souvent peu connues, rappellent que la vie artistique ne se résumait pas à l’affrontement d’Ingres et Delacroix. Le goût gothique bénéficie d’une salle à part, intitulée « Notre-Dame de Paris ». L’extraordinaire Coffret reliquaire d’Héloïse et d’Abélard (1816) constitué par Alexandre Lenoir y est exposé.

La section qui suit est la moins réussie. « 1830, le Paris des révolutions » mêle de manière un peu forcée les thèmes des journées de juillet, de la bataille d’Hernani, de la création de la Symphonie fantastique de Berlioz et de l’érection du tombeau de Napoléon. Viennent ensuite le Quartier latin et le peuple de la capitale, essentiellement vu sous son angle pittoresque (petits Savoyards et grisettes), puis, à l’autre bout de l’échelle sociale, la Chaussée-d’Antin et la Nouvelle-Athènes, fiefs des artistes et amateurs. Ici comme autrefois, Liszt côtoie Marie d’Agoult. La dernière salle est axée sur les spectacles, grande affaire de l’époque. À la toute fin du parcours, la révolution de 1848 est illustrée seulement par le bureau de Louis-Philippe et une estampe satirique, Le Gamin de Paris aux Tuileries (1848) de Daumier. C’est la conclusion en forme de pirouette d’une parenthèse enchantée, une escapade légère au royaume des romantiques.

Au Musée de la vie romantique, place aux écrivains  

Lettres. « Une révolution est faite dans les arts. Elle a commencé par la poésie ; elle s’est continuée dans la musique ; la voilà qui renouvelle la peinture. » Cette citation de Victor Hugo est inscrite sur un mur du Musée de la Vie romantique où prend place la dernière partie de l’exposition « Paris romantique ». C’est pourtant la plus importante, puisqu’il s’agit de faire revivre les cercles littéraires à l’origine de la révolution dont parle le poète. Loin de toute affectation, un Autoportrait (1825) d’Alfred de Vigny y représente le romantique cherchant l’inspiration, solitaire et concentré. Mais les lieux de sociabilité – salons et cénacles privés – ont été les creusets dans lesquels le mouvement s’est construit et affirmé. L’exposition évoque les plus importants tandis qu’une table interactive en présente d’autres, telle la Société des buveurs d’eau… Dans l’atelier, on s’amuse à détailler les portraits, souvent satiriques, des nombreux plumitifs de la période. L’habit de l’académicien Alfred de Musset constitue un émouvant point d’orgue à cette réunion de têtes.

 

É.S.

Paris romantique, 1815-1848,
jusqu’au 15 septembre, Petit Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris ; Musée de la Vie romantique, 16, rue Chaptal, 75009 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°525 du 7 juin 2019, avec le titre suivant : Le romantisme sans mélancolie

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