Photographie

Guingamp (22)

Le monde disparu de Sinéty

Centre d’art GwinzegalJusqu’à fin mars 2021

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 27 janvier 2021 - 337 mots

Un soir de retour de vacances, Madeleine de Sinéty choisit le village de Poilley, au nord de Rennes, pour y passer la nuit avant de regagner Paris.

Sa situation, à l’écart des grandes routes, motive son choix. Au matin, ce qu’elle entend et voit de ce village agricole la ramène à ce qu’elle contemplait, enfant, l’été pendant des heures depuis le château de son arrière-grand-mère, fascinée par les activités de la ferme voisine, propriété du domaine qu’on lui interdisait de fréquenter. De 1972 à 1981, elle vivra donc à Poilley, photographiera ses habitants et régulièrement invitera tout ce petit monde à une projection de diapositives. Si ce n’est une exposition organisée la Bibliothèque nationale de France en 1996 sur la partie noir et blanc de cette archive insondée pendant longtemps, et une exposition en 2011 aux États-Unis, où s’est éteinte Madeleine de Sinéty, rien jusqu’à présent n’avait été montré. Le travail mené sur la partie couleurs de l’archive, jamais explorée, aboutit aujourd’hui à une exposition mémorable et à un livre dont le succès en librairie en seulement deux mois expriment le statut très particulier de ces images. Ces dernières, en effet, ne relèvent ni du reportage ni d’un récit autobiographique, mais d’une jeune femme, dessinatrice de profession, qui trouve dans le médium l’outil adapté pour capter ce qui l’attache aux êtres de ce village et, dans ses carnets, les pages où raconter, au jour le jour, le quotidien auprès d’eux. C’est un monde rural voué à disparaître que Madeleine de Sinéty photographie, tant dans l’intimité de ses maisons que dans ses cours de ferme ou les travaux des champs, fêtes ou cérémonies de mariage. Rien de passéiste dans ses images. Au contraire, une sensibilité à fleur de peau, une empathie, une capacité à se fondre et un sens du cadrage adapté à chaque situation qui, près de cinquante ans plus tard, captent plus que le regard par l’émotion spontanée qu’elles provoquent instantanément. Nul doute que ce qui reste à découvrir de l’œuvre réserve encore de grands moments.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°741 du 1 février 2021, avec le titre suivant : Le monde disparu de Sinéty

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