La Haye

Le Gemeentemusem célèbre Mondrian

L’évolution du peintre à travers 147 tableaux et 24 dessins

Par Roger Bevan · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 701 mots

L’exposition \"Mondrian\" retrace les différentes phases des recherches de l’artiste, met en lumière les correspondances entre le peintre de l’abstraction (1912-1920), l’inventeur du néoplasticisme et le peintre des grandes compositions.

LA HAYE - Cette rétrospective est l’événement majeur du programme organisé aux Pays-Bas autour de la commémoration du cinquantième anniversaire de la mort du peintre, en 1944. Elle comprend cent quarante-sept toiles, vingt-quatre grandes œuvres sur papier et quinze études plus petites, à la plume ou au fusain. C’est la plus grande exposition jamais consacrée à Mondrian, dépassant en ampleur l’ambitieuse présentation organisée en 1971 pour le centenaire de sa naissance, au Musée Guggenheim de New York.

L’exposition a été préparée par Angelica Zander Rudenstine, ancienne assistante de recherches au Musée Guggenheim ; Yves-Alain Bois, professeur d’art du XXe siècle à Harvard ; Joop Josten, qui prépare un nouveau catalogue raisonné de l’œuvre de Mondrian, à paraître prochainement ; Hans Janssen, conservateur de la section moderne du Gemeentemuseum et John Elderfield, conservateur en chef au Musée d’art moderne de New York. L’exposition ira ensuite à la National Gallery of Art de Washington, puis au Musée d’art moderne de New York.

C’est dans cette ville qu’il a peint des toiles aussi curieuses que New York City I (1942) et Broadway Boogie Woogie (1942-43), compositions interprétées comme des réactions de l’artiste face à la fébrilité de Manhattan. Mais l’exposition de La Haye suggère que ces tableaux ne reflètent pas tant une nouvelle orientation stylistique que la prolongation des travaux réalisés à Paris dès 1932. C’est l’une des nombreuses conclusions radicalement neuves que propose cette nouvelle présentation.

Le choix des œuvres exposées accentue la complexité de la relation de Mondrian avec le Cubisme, qu’il découvre à Paris en 1911, en particulier pour les œuvres créées après 1920, année où l’artiste invente son propre système d’abstraction qu’il baptise "néoplasticisme". Cet éclairage n’avait jamais encore été donné lors des précédentes expositions, mais il correspond aux déclarations mêmes de Mondrian sur sa carrière, telles qu’on peut les lire dans sa correspondance et les textes qu’il a publiés. On a rassemblé presque la moitié de ses œuvres des années trente et quarante.

Les premières années de sa carrière sont traitées avec vingt-neuf toiles illustrant la période de 1898 à la fin de la décennie 1910. Durant cette période très productive de son évolution, qui embrasse successivement l’Impressionnisme, le Fauvisme et d’autres styles, Mondrian a créé quelque 750 œuvres, soit les trois quarts de toute sa production.

Parmi les chefs-d’œuvre, on pourra voir côte à côte Composition : digue et océan de 1915 (au Rijksmuseum Kröller-Müller d’Otterlo) et Composition de 1916 (au Musée Solomon R. Guggenheim de New York), accompagnées des dessins préparatoires qui documentent l’évolution de ces toiles capitales, ainsi que la réunion étonnante de quinze des seize compositions en losange que l’artiste a créées entre 1918 et 1944.

On verra également des photographies de ses ateliers à Paris et à New York, sur les murs desquels il a peint des plans en couleurs ; l’un de ces ateliers, un espace pentagonal occupé à Paris en 1921, est en cours de reconstitution chez Beurs van Berlage (Amsterdam, du 17 décembre 1994 au 5 février 1995). Dans les deux expositions américaines, un espace regroupant sept compositions inachevées (à l’huile, au fusain et en gouaches découpées) illustrera le processus de création de Mondrian.

Plusieurs œuvres de maturité de l’artiste ont été nettoyées par des restaurateurs qui n’ont pas su estimer la subtilité de sa touche originale. La surface de certaines autres œuvres est parfois craquelée en raison même des révisions extensives que Mondrian leur a fait subir, ou des pigments incompatibles qu’il a employés. L’exposition attirera l’attention sur ces problèmes, dans l’espoir de faire naître de nouvelles solutions de conservation pour l’avenir.

Les recherches de M. Joosten ont mis au jour des informations inédites sur les encadrements de Mondrian, sujet constant de préoccupation pour l’artiste, qui dessinait et construisait lui-même ses cadres. L’exposition présentera plusieurs tableaux préservés dans leur cadre d’origine, ou pour lesquels on a reconstitué celui-ci d’après des photographies et autres documents.

\"Mondrian\"

Gemeentemusem, La Haye, jusqu’au 30 avril 1995 ; National Gallery of Art, Washington (11 juin-4 septembre 1995) ; MoMA, New York (1er octobre 1995-23 janvier 1996)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Le Gemeentemusem célèbre Mondrian

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