Le cru Bourgeois

À Bordeaux, toute la vitalité d’une artiste de 86 ans

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 13 février 1998 - 452 mots

Née en France en 1911, mais installée au États-Unis depuis 1938, Louise Bourgeois n’a pourtant exposé pour la première fois en France qu’à l’âge de soixante-quatorze ans, quand la galerie Maeght-Lelong a accueilli ses œuvres en 1984. Après la grande rétrospective organisée en 1995 par le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, le Capc-Musée d’art contemporain de Bordeaux présente ses dernières créations, réunies sous le titre d’« Habits ».

BORDEAUX - Louise Bour­geois a toujours cultivé un rapport particulier au vêtement. Cette relation, comme très souvent dans son travail, est née de ses expériences d’enfant quand, dans l’entreprise familiale de restauration de tapisseries, elle refaisait aux côtés de sa mère les bas des tentures, les pieds endommagés et les sexes censurés des amours. Dans cette ambiance, elle s’est familiarisée avec les laines, les écheveaux, les fuseaux et les aiguilles. Aussi son intérêt pour les habits et les tissus, manifeste dans ses dernières œuvres, n’est-il pas fortuit. Bobines, fils, tissus brodés à la main et morceaux de tapisserie sont réunis depuis 1992 dans nombre de ses œuvres. L’exposition du Capc propose un ensemble d’installations réalisées avec ses propres vêtements ou des tissus cousus, comme dans Cells (Clothes). Des figures rembourrées en toile sont également exposées dans des vitrines. Dans Red Rooms, datant de 1994, ces étoffes viennent rejoindre la chambre des parents et celle des enfants, références à des scènes d’ébats amoureux (agres­sion ? consentement ? que font-ils ?) qui ont tant marqué la jeune Louise. Le personnage de l’araignée, très présent, est également accompagné de tissus. “L’arai­gnée, c’est ma mère, déclare l’artiste, la fileuse par excellence”. Cette iconographie récurrente est à la fois porteuse du concept de protection – notamment contre les moustiques, sa hantise aux États-Unis – et représentation symbolique et obsessionnelle de sa mère.

Le Capc expose une trentaine d’œuvres, dont une partie a été conçue pour la 25e Biennale de São Paulo en 1996, puis montrée à Rio de Janeiro et à la Fondation Prada l’année dernière. Près de deux cents dessins complètent cette présentation des derniers travaux de Louise Bour­geois. L’exposition voyagera ensuite au Por­tugal (Centre cultural Belém, Lisbonne), en Suède (Konst­hall, Mal­mö) et en Grande-Bre­tagne (Serpentine Gal­lery, Londres).

Parallèlement, le Musée d’art contemporain de Bordeaux présente quatre-vingts pièces – dessins, collages, aquarelles, œuvres sur papier – exécutées entre 1975 et 1996 par l’artiste belge Luc Tuymans. Le peintre, né à Gand en 1958, a également choisi huit toiles qui viennent compléter cette exposition, coproduite avec la Kunsthalle de Berne et l’Art Museum de Berkeley.

LOUISE BOURGEOIS, jusqu’au 26 avril, Capc-Musée d’art contemporain, L’Entrepôt, 7 rue Ferrère, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 00 81 50, tlj sauf lundi 12h-18h, mercredi 12h-22h. Catalogue 120 p., 150 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°54 du 13 février 1998, avec le titre suivant : Le cru Bourgeois

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