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Lyon (69)

L’art des plis et des replis

Musée des beaux-arts - Jusqu’au 8 mars 2020

Par Dominique Vergnon · L'ŒIL

Le 22 janvier 2020 - 519 mots

Coup de cœur : le Musée des beaux-arts de Lyon consacre une exposition originale au drapé tel que le représentent les artistes, peintres, sculpteurs et photographes, depuis plusieurs siècles.

Une statue grecque et sa tunique froncée, un pleurant médiéval vêtu d’un habit cannelé, la sculpture baroque d’une sainte enveloppée de sa robe plissée, le dessin néoclassique d’une femme au visage voilé, la photo d’un migrant recouvert d’un drap froissé, les quelques œuvres qui accueillent le visiteur se répondent et attestent qu’aucun motif plus que le drapé ne traverse les siècles et ne revêt autant d’expressions multiples. Évitant le risque de la chronologie comme l’indique le croisement des noms des artistes dans son titre, l’exposition aborde en trois grandes sections le thème complexe du drapé selon l’axe de la forme, de sa fabrique à ses multiples traductions. Partir de la surface qui s’élabore et non plus de l’histoire linéaire permet d’évoquer les singularités de ce « tissu transformé en art ». Confrontés à la pluralité des enjeux de restitution de la matière, du poids, du mouvement et du volume, de la Renaissance au XXe siècle, les artistes ont avant tout recours à l’artifice du mannequin sur lequel « jeter une draperie est un art ». Michel-Ange se sert de ces figurines articulées de bois ou de cire, Girodet également pour son tableau sur Hippocrate ou encore George Grosz dans plusieurs études de textures. Étape suivante, celle du modèle vivant, nu au départ et progressivement habillé d’étoffes auquel les peintres comme les sculpteurs font prendre diverses poses. On voit la dynamique des enchaînements conduisant la main de l’esquisse au tableau final dans deux séquences très bien documentées. L’une porte sur Salomé dansant devant Hérode de Gustave Moreau et compte une dizaine d’études ; l’autre déroule sur une quinzaine de travaux préparatoires la méthode d’Ingres pour réaliser l’Iliade et l’Odyssée. Démarche similaire pour Rodin dans la composition des Bourgeois de Calais. Façonnant une petite terre cuite qui annonce l’attitude à venir, on comprend comment il aboutit étape après étape au bronze monumental de Pierre de Wissant, l’un des six otages. Dans la dernière phase, le drapé libéré du corps vit du seul jeu plastique et sensuel des plis, des cassures, des reliefs et des souplesses qui sont pour les artistes autant de sources d’inspiration. La gamme est large des œuvres adoptant ce morceau de tissu qui « est d’abord pour l’œil un désordre » (Paul Valéry) pour en faire un vrai objet de poésie. Ainsi de Dürer, qui exécute en 1508 un admirable Pan de draperieà la plume et à l’encre, de Vouet dans trois études, de Fernand Léger fripant un mouchoir qui se change en une bannière d’ombres et de lumières, d’Alison Watt dépliant un nuancier de blancheurs. Dominé par les dessins, certains juxtaposés, ce qui réduit l’impact des véritables chefs-d’œuvre, le parcours est dense et long : sur deux étages, 250 œuvres accrochées très – voire trop – sobrement. Mais pour le regard du visiteur, la séduction ne faiblit pas. Il suit de près l’ensemble du processus de création et les avatars du drapé. Derrière la théorie, au-delà de l’exploit technique, il salue son esthétique pure.

« Drapé, Degas, Christo, Michel-Ange, Rodin, Man Ray, Dürer… »,
Musée des beaux-arts, 20, place des Terreaux, Lyon (69), www.mba-lyon.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°731 du 1 février 2020, avec le titre suivant : L’art des plis et des replis

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