Archéologie

L’âge du Bronze, les premiers pas des Européens

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 29 août 2025 - 977 mots

Période décisive dans l’histoire de l’humanité, deux expositions au Musée d’archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye et au Musée Anne-de-Beaujeu à Moulins expliquent les importantes avancées technologiques et sociales qui ont modifié la société européenne entre environ -2500 et -800.

1. Bronzisation

Quelle révolution ! Vers 2300 avant J.-C., on découvre qu’en mélangeant le cuivre à l’étain, on obtient un alliage dur et résistant, le premier créé par l’humanité : le bronze. Fusible et malléable, resplendissant comme l’or, il permet de mouler parures, vaisselle, outils et armes tranchantes. « Le bronze engendre une dynamique qui modifie profondément les sociétés, aussi bien en Europe et en Méditerranée qu’en Orient », observe Rolande Simon-Millot, co-commissaire de l’exposition « Les maîtres du feu » au Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. C’est un peu le pétrole de l’époque. Avec cet alliage, on n’est plus tout à fait au Néolithique. La domestication du cheval, animal solide, endurant et assez docile pour accepter mors et harnachement – en bronze – et la roue à rayons et jante creuse qui permet de fabriquer des chars plus légers et rapides multiplient la vitesse de déplacement des hommes. Un vaste réseau de routes se met en place, pour acheminer les métaux, mais aussi pour échanger des matières premières comme l’ambre et le verre, ou des produits finis fabriqués par des artisans spécialisés.

2. Le mystère des dépôts

Pourquoi donc enterrer du bronze, alors que celui-ci est un matériau réparable et recyclable à l’infini ? « Les archéologues ont retrouvé de très nombreux dépôts d’objets de bronze, qui ont été enterrés pour des raisons qui suscitent encore le débat entre les chercheurs », explique l’archéologue Pierre-Yves Milcent, co-commissaire de l’exposition « L’odyssée du bronze » au Musée Anne-de-Beaujeu à Moulins. Ces objets ont-ils été enfouis dans la terre pour être protégés des pillages dans une période instable, puis oubliés ? Ou bien constituaient-ils une offrande ? Si la question n’est pas tranchée, cette dernière hypothèse est celle que privilégie actuellement l’archéologue, qui dirige depuis 2019 les fouilles du site fortifié de Jenzat, dans l’Allier, où près de 2 000 objets ont été mis au jour. L’étude minutieuse, dans leur contexte archéologique, des dépôts de ce site exceptionnel de 25 hectares, le prélèvement de ces derniers dans leurs blocs de terre, ainsi que l’analyse des vues 3D prises au scanner tomodensitométrique révèlent en effet non seulement un soin particulier dans l’agencement des différentes pièces de bronze, mais aussi des configurations récurrentes…

3. Heureux qui comme Ulysse

On peine à imaginer les hommes et les femmes de l’âge du bronze, sauf si l’on prend conscience qu’ils sont à peu près contemporains de la guerre de Troie et des voyages d’Ulysse racontés dans les épopées homériques. Cette cuirasse, découverte de façon fortuite au bord d’un marais, porte un décor anatomique de bossettes, soulignant les parties du corps : poitrine, sternum, côtes, colonne vertébrale. La cuirasse fait partie de l’équipement du guerrier, qui comprend également un casque, une épée et une lance acérée. « Ces nouvelles armes en métal, produites en série ou faites sur mesure pour quelques guerriers d’élite dénoncent-elles une époque violente ou au contraire une société plus hiérarchisée et mieux organisée ? », interroge l’archéologue Pierre-Yves Milcent. On l’ignore. Toujours est-il que les armes défensives demeurent exceptionnelles et apparaissent seulement dans la seconde moitié de l’âge du bronze. De plus, aucune panoplie complète, comportant à la fois armes offensives et défensives, n’a été retrouvée en Europe de l’Ouest.

4. Du bronze pour tous

Si le bronze est d’abord l’apanage des élites pendant la période du bronze ancien (2500-2300 à 1600 avant J.-C.), comme en témoignent les riches sépultures de personnages aristocratiques enterrés dans des tumulus avec de grandes épées, il devient peu à peu accessible aux couches plus populaires pendant celle du bronze moyen (1600 à 1350 av. J.-C.). Moulés à chaud, les objets en bronze – outils, haches ou bijoux – peuvent en effet être produits en série. S’il est difficile d’inciser le bronze, la technique du moulage à la cire perdue rend possible la réalisation de décors très fins, comme on l’observe sur ce bracelet retrouvé dans un dépôt sur le site de Jenzat, datant de la période du bronze final (1350 à 800 av. J.-C.).

5. La barque solaire aux oiseaux

Le soleil, source de vie et symbole du cycle cosmique, est abondamment représenté à l’âge du bronze, souvent associé à un char et à des oiseaux et sous forme de protomés. Ce motif dit de la « barque solaire aux oiseaux », qui évoque aussi bien la cosmogonie égyptienne que les mythes d’Hélios ou d’Apollon, symbolise le cycle de la vie, l’alternance du jour où le soleil apporte lumière et chaleur à la terre, et de la nuit. Caractéristique de l’âge du bronze, on le retrouve sur de nombreux objets, du nord des Alpes jusqu’aux Balkans. Cette évocation de la course du soleil divinisé, qui se décline sous des formes plus ou moins stylisées ou abstraites, avait sans doute un fort caractère religieux, peut-être apotropaïque. Cet espaceur de pendeloques, élément d’une parure composite, pouvait ainsi peut-être être porté pour conjurer le mauvais sort.

6. Tout ce qui brille

L’âge du bronze est aussi celui de l’or. Celui-ci provient alors majoritairement de pépites ou de poussières d’or trouvées dans les fleuves. Avec ce métal inaltérable dont l’éclat évoque la lumière du soleil, les orfèvres fabriquent parures finement travaillées, appliques, décorations d’armes, vaisselle rituelle, ornées de bossettes ou de cercles concentriques, comme en témoigne le décor de ce torque torsadé. Ce chef-d’œuvre de l’orfèvrerie a sollicité plusieurs techniques de mise en forme : fonte à la cire perdue, martelage, ciselure, poinçonnage, emboutissage, rivetage et même soudure. Ces objets d’or parcouraient parfois d’importantes distances, de la péninsule Ibérique à l’Europe du Nord, de l’Europe orientale à la façade atlantique européenne, s’accompagnant sans doute de transferts de connaissances techniques, comme le laisse supposer la similitude des objets trouvés dans différentes régions d’Europe.

« L’odyssée du bronze, à la rencontre des premiers Européens »,
Musée Anne-de-Beaujeu, place du Colonel Laussedat, Moulins (03),jusqu’au 21 septembre, musees.allier.fr
« Les maîtres du feu, l’âge du bronze en France, 2300-800 av. J.-C. »,
Musée d’archéologie nationale, Domaine national du château de Saint-Germain-en-Laye, place Charles-de-Gaulle (78), jusqu’au 9 mars 2026, musee-archeologienationale.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°788 du 1 septembre 2025, avec le titre suivant : L’âge du Bronze, les premiers pas des Européens

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