La face obscure de Louis-Jean Desprez

L’affirmation, pour le moins présomptueuse, pointe néanmoins une évidence : l’inventivité débordante de l’artiste français Louis-Jean Desprez (1743-1804), dont les créations façonnent la scène théâtrale suédoise de l’époque. Décorateur de renom mais aussi peintre, architecte et graveur, Desprez fait montre d’un goût prononcé pour le macabre, le fantastique et l’énigmatique. En une salle, en rassemblant une petite vingtaine de gravures et d’aquarelles, l’Institut suédois à Paris donne à voir l’essence de son œuvre empreinte de romantisme noir. Voûtes massives, paysages imaginaires, tombeaux à l’atmosphère feutrée… La combinaison du merveilleux et de l’épouvante, si chère à l’artiste, atteint son acmé dans sa célèbre Chimère (1771), une créature cauchemardesque en train de déchiqueter sa proie humaine. Grand voyageur, Desprez puise son inspiration en France, en Italie comme en Suède. Lauréat du Grand Prix de Rome en 1776, il immortalise les festivités palermitaines et les cérémonies religieuses, illustre de superbes vues de Rome et de Naples en collaboration avec Piranèse (1720-1778). Fumées opaques, brasiers rougeoyants et multiplication des jeux d’ombre dénotent déjà une certaine propension pour la mise en scène dramatique, qu’il assouvira moins de dix ans plus tard en tant que décorateur du Théâtre royal de Stockholm.