La collection de la CBH se dévoile à Genève

Genève. La Suisse serait-elle en passe de devenir l’écrin privilégié de l’art contemporain africain en Europe ? L’an passé, l’exposition « When we see us » avait fait sensation au Kunstmuseum de Bâle. La Confédération helvétique peut aussi se prévaloir de collections privées d’envergure : le fonds d’art contemporain africain et de la diaspora de la Fondation Gandur pour l’Art tout d’abord, qui recense 470 œuvres, et, plus récemment, la collection d’art moderne et contemporain d’Afrique subsaharienne commencée par la CBH (Compagnie bancaire helvétique) en 2020, et déjà riche de 220 œuvres.

Pour marquer les 5 ans de son fonds, la banque genevoise a souhaité présenter une sélection de sa jeune collection. Ce ne sont pas moins de 125 peintures, sculptures et photographies produites entre 1929 et 2024 par 80 artistes originaires de 21 pays d’Afrique subsaharienne qui se déploient sur les cimaises du Musée Rath. L’ambition est d’esquisser un panorama le plus représentatif possible d’un siècle de création. Bien que certains artistes originaires d’Afrique subsaharienne aient été acquis par de grands musées occidentaux et bénéficient d’expositions monographiques, l’art moderne et contemporain africain reste encore largement méconnu.

Les deux commissaires de l’exposition, Jean-Yves Marin, précédemment directeur des Musées d’art et d’histoire de Genève et, aujourd’hui, conseiller artistique de la CBH, et Ousseynou Wade, ancien secrétaire général de la Biennale de Dakar, ont donc opté pour un début de parcours chronologique afin de poser les jalons de cette histoire de l’art et donner quelques points de repère aux visiteurs. Les premières salles présentent ainsi quelques grands maîtres de l’art moderne africain : l’incontournable Albert Lubaki (1895-?,Congo), soit l’un des premiers peintres africains à avoir accédé à la notoriété internationale, Bela Sara (1940-1968, Tchad), autre peintre, Seydou Keïta (1921-2001, Mali), le « père » de la photographie africaine, ou encore Malick Sidibé (1936-2016, Mali).

Une fois ces premières références acquises, les visiteurs peuvent déambuler dans les six sections thématiques de l’exposition, lesquelles proposent une articulation entre des œuvres modernes et contemporaines comme entre des figures reconnues du monde de l’art (Frédéric Bruly Bouabré, Ibrahim El-Salahi, Alioune Diagne, Zanele Muholi, William Kentridge, Abdoulaye Konaté, Chéri Samba…) et des artistes méconnus. L’approche thématique permet, elle, de souligner la récurrence et l’importance de certains motifs, à l’instar de Mami Wata, l’esprit de l’eau dans le culte vodoun, et de certaines démarches artistiques, comme le recours fréquent à des matériaux de récupération.

Cette première exposition de la collection de la CBH, pensée comme une étape, a le mérite de réunir les plus grands noms de l’art moderne et contemporain d’Afrique subsaharienne tout en offrant une visibilité à des artistes oubliés à l’exemple d’Antoinette Lubaki et d’Estevao Mucavele. Les œuvres réalisées par des artistes émergents sont quant à elles de qualité inégale, comme le reconnaît lui-même Jean-Yves Marin, pour qui l’objectif reste avant tout de montrer la diversité des expressions artistiques contemporaines. Mais « Au-delà des apparences » offre son lot de pépites, comme la très belle Woman and Child with Roses (2020), une huile sur toile d’Olivia Mae Pendergast.