Au Wiels, une trentaine d’artistes invitent le spectateur à tisser des liens avec une planète en danger.
Bruxelles. Dernières semaines pour visiter la copieuse exposition du Wiels. Prenant le pouls de la création, le centre d’art bruxellois a invité plus de trente artistes à imaginer la nature en désordre.
En peinture ou en littérature, le « réalisme magique » caractérise l’irruption d’éléments magiques ou irrationnels dans un contexte réaliste. Cet autre monde qui transpire par les pores du réel est ici celui du réchauffement climatique, des menaces qu’il fait peser sur notre environnement et des changements à apporter. Si les alertes factuelles émanent d’abord des scientifiques, celles des artistes, entre dystopie et utopie, s’inscrivent dans une prise de conscience de notre rapport à l’environnement, et à son devenir.
Embrassant une grande diversité de propos, de médias et, pour les artistes, d’origines géographiques et culturelles, l’exposition se montre dans l’ensemble assez cohérente. Déployée dans tout le bâtiment, elle offre de l’espace à chaque artiste pour que les expressions se complètent plutôt qu’elles ne se chevauchent. Avec peu de textes, « Réalisme magique » fait confiance au regard du visiteur en laissant parler des œuvres accompagnées d’un petit cartel situant l’artiste et sa démarche.
Dans ce kaléidoscope, certaines approches réapparaissent avec insistance comme celle des matériaux trouvés et transformés en signe de résilience. Les sculptures de Suzanne Jackson, qu’elle dénomme « abstractions environnementales », associent de l’acrylique pur et des matériaux trouvés. Dans sa vidéo, Edith Dekyndt fait flotter au vent la peau de mue d’un serpent venimeux. TheEnd of Imagination (2024), l’impressionnant fossile d’un temps alternatif d’Adrián Villar Rojas, est constituée d’éléments hétéroclites qui composent une forme mécanico-organique enveloppée d’une menaçante gangue goudronneuse.
Tout en légèreté, NAUfraga (2022), l’installation de Cecilia Vicuña, suspend d’humbles matériaux trouvés à de fines cordes pour dessiner des poèmes dans l’espace. Dans sa grande composition Safe space for a passing history_What is love ? (1 – 6) [2025, (voir ill.)], Gaëlle Choisne, lauréate du prix Marcel Duchamp 2024, insère dans ses portraits de personnes noires générés par un logiciel des photos découpées dans des magazines et des objects chinés.
La résilience s’enracine aussi dans les paysages, dans le bout de terre calcinée d’Otobong Nkanga où les dernières traces de vie végétale sont maintenues dans des bulles de verre, ou dans Dlo a rasin de l’artiste guadeloupéenne Minia Biabiany, qui utilise des racines carbonisées pour évoquer le Kepone, un pesticide toxique longtemps utilisé dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe.
Le dernier volet de l’exposition, chez Argos, rassemble des travaux et installations vidéo telle Arslanbob, où Saodat Ismailova explore une forêt ancestrale du Kirghizistan, réputée plonger celle ou celui qui s’endort au pied de ses noyers plusieurs fois centenaires dans des hallucinations visitées de créatures mythologiques.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°661 du 19 septembre 2025, avec le titre suivant : La beauté du chaos





