John Coplans, sculpteur de corps

Pour le critique d’art, ce titre est une manière de prévenir qu’il ne faut pas voir dans les photographies de Coplans une dimension autobiographique, mais universelle. Coplans, qui a photographié son corps nu durant les vingt dernières années de sa vie, n’a pas pris pour sujet « son » propre corps mais « le » corps, pas plus qu’il n’a documenté son vieillissement. Bien sûr, le titre est aussi un clin d’œil humoristique aux images elles-mêmes : la vie « déforme », tout comme les angles de prises de vue de Coplans déforment. Comme, aussi, les poses que l’artiste a soigneusement préparées avant d’appuyer sur le déclencheur, à tel point que Chevrier et Élia Pijollet (co-commissaire de l’exposition) n’hésitent pas à employer le thème de « performance ». John Coplans, performer ? N’exagérons rien : le dispositif comme le soin apporté à la lumière et aux tirages le placent du côté de la photographie telle que celle-ci était envisagée par Rodin ou pratiquée par Brancusi. Sur ce dernier, Coplans a justement écrit un essai à la fin des années 1970, lorsqu’il présenta une exposition de ses photographies au Musée d’Akron, près de Cleveland, qu’il dirigeait alors. Il y écrivait ceci : « Contrairement à la peinture, la sculpture est largement déterminée par la lumière, dont la palpabilité, l’intensité et la localisation irradient la forme sculpturale pour révéler et définir la masse, le contour, la surface, la couleur, et même l’atmosphère » (traduit en annexe de l’essai de Chevrier John Coplans. Un corps, aux éditions Point du jour). Une phrase que Coplans a ensuite fait sienne. Et si, avant même d’être photographe, John Coplans était finalement sculpteur ?