Art moderne

Bâle (Suisse)

Hopper, une peinture à infusion lente

Fondation Beyeler - Jusqu’au 17 mai 2020

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 26 février 2020 - 333 mots

Soyons francs, l’exposition Hopper (1882-1967) à la Fondation Beyeler, regroupant une soixantaine de peintures et d’aquarelles de l’un des plus grands artistes américains du XXe siècle ainsi qu’un court métrage en 3D inédit de Wim Wenders inspiré par l’« âme de l’Amérique », déçoit de prime abord.

Axée non pas sur les scènes de vie urbaine, peintures cinématographiques qui l’ont rendu extrêmement populaire, mais sur ses paysages, cette exposition monographique donne à voir très peu de tableaux iconiques du peintre. De plus, le film de Wenders, Two or Three Things I Know about Edward Hopper, certes plastiquement superbe, rejoue une énième fois la peinture de l’imagier américain sans apporter rien de nouveau ; il l’avait déjà fait en 1997 avec The End of Violence, film citationnel qui reprenait à l’identique Nighthawks, tableau culte signé Hopper en 1942. Décidément, Wenders, depuis ses coups d’éclat des années 1980 (Paris, Texas, Les Ailes du désir) et son sursaut créatif de 1999 avec son documentaire Buena Vista Social Club, a bien du mal à se renouveler.

Enfin, et c’est certainement le plus dommageable, les peintures de Hopper déçoivent en vrai, elles sont sèches, ce qui peut conduire à des maladresses dans le rendu de la nature. Les vagues de The Bootleggers (1925), par exemple, semblent en carton. Question virtuosité picturale, on est très loin des maîtres français (Courbet, Manet, Vallotton, Marquet) qui l’ont inspiré. Passée cette déception, il faut quand même se rendre à l’évidence, il y a quelque chose qui résiste ici, retenant irrésistiblement l’attention : le récit. Et si cette expo peut se révéler tout de même intéressante, c’est pour ceci : les tableaux hypersubjectifs d’Edward Hopper sont en fait des temps arrêtés, dont sourd une menace constante… et cinématographique. On comprend dès lors mieux pourquoi moult spectateurs devenus voyeurs, les contemplent longuement et pourquoi des raconteurs d’histoires d’hier et d’aujourd’hui, de Hitchcock à Gregory Crewdson, en passant par Lynch et Wenders, ne cessent d’être hantés par la peinture narrative à infusion lente de ce cher Hopper.

« Edward Hopper »,
Fondation Beyeler, Baselstrasse 77, Riehen/Bâle (Suisse), www.fondationbeyeler.ch

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Hopper, une peinture à infusion lente

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