Musée de la chasse et de la nature

Histoires de safaris

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 24 mai 2016 - 619 mots

En croisant des œuvres contemporaines et des BD, le musée s’aventure sur le terrain imaginaire des safaris.

PARIS - Entre l’action et sa représentation, il existe souvent un monde, et du vrai au faux il n’y a parfois qu’un pas. C’est dans ces interstices que s’étirent l’exposition Safaris et son volet Safarix consacré à la BD au Musée de la chasse et de la nature, mettant en scène diverses fictions nées de l’imaginaire de ces chasses africaines. En préambule, le visiteur est invité à se glisser entre la peau et les os de la monumentale girafe de Christian Gonzenbach, aux accents de chapelle. À l’intérieur du musée, la photographie d’Eugène Pertuiset, chasseur affabulateur foulant la dépouille d’un lion, donne le ton d’une exposition qui amène à voyager dans un « monde sauvage » aux confins de l’imaginaire et à s’interroger autant qu’à s’amuser, et avant tout de soi-même. Plus loin, s’ouvre une salle où, du sol au plafond, s’étalent les œuvres d’une poignée d’artistes, du pompier au contemporain, ayant travaillé autour d’un même territoire, le tout commenté en vidéo par un Laurent Le Bon à ne pas manquer. Le terrain de chasse de Nicolas Rubinstein est une zone urbaine de Marseille et ses trophées, des carcasses de voitures. Le safari-photo de Joan Fontcuberta brouille habilement les cartes entre réalité et fiction, avec une grande vitrine regorgeant de documents, coincée entre deux caissons lumineux. La girafe d’Agnès Rosse invite le visiteur à se jucher à l’intérieur de sa carcasse qui déroule son histoire énigmatique, en écho à l’art pariétal. Dans les collections du musée, sont encore dévoilées les improbables chimères de Daniel Horowitz, le trophée de Ghyslain Bertholon présentant le postérieur d’un lion, ou les Cases de Sinje Dillenkofer, des fantômes d’armes, soigneusement rangés dans des tiroirs.

L’histoire d’un fait social en quelques bulles

C’est bien d’une exposition à tiroirs dont il s’agit, et le suivant est celui de la bande dessinée qui occupe tout le dernier étage, ne se restreignant plus aux safaris, mais couvrant la chasse sous toutes ses formes : chasse à l’homme, à courre, au loup ou aux papillons. Tous les stéréotypes du genre sont passés au crible, avec de fort belles planches en guise de trophées. Rodolphe Töpffer emmène aux sources de la bande dessinée, moquant une sorte de « Bourgeois gentilhomme » dressant ses chiens dans son appartement à coups de « tayaut ». C’est en satiriste que Caran d’Ache s’attaque à la chasse aux lapins du XIXe finissant, laissant au lecteur le soin d’imaginer un dialogue savoureux entre animaux. L’immanquable Tintin au Congo est présent avec un superbe hors texte (fraîchement acheté aux enchères), où le fauve n’est pas là où on l’attend : guetté par le reporter à la houppette, il apparaît sous les traits d’un homme-léopard menaçant. Le motif de la chasse traverse ainsi près de deux siècles de BD : s’il est une occasion de se moquer du bourgeois chez les pionniers, un prétexte à offrir une nouvelle aventure divertissante au lecteur pour Hergé, il constitue un chapitre de l’histoire du Moyen Âge pour Raymond Poïvet et Roger Lécureux ou Hermann, une façon de moquer la société chez Yves Got et René Pétillon, de dérouler une aventure politique pour Enki Bilal et Pierre Christin ou encore de renouveler le genre de façon sarcastique et par le biais de la photo pour Ruppert et Mulot. Malgré une articulation peu claire entre les deux volets de cet ensemble, le visiteur de 7 à 77 ans ne manquera pas d’être charmé par ces histoires de chasses.

SAFARIS SAFARIX

Commissaires : Anne Beauchef-de Bussac et Claude d’Anthenaise ; Vincent Bernière pour la BD

Nombre d’œuvres : environ 100 œuvres contemporaines et 50 planches de BD

Safaris Safarix

Jusqu’au 4 septembre, Musée de la Chasse et de la Nature, 62 rue des Archives, 75003 Paris

www.chassenature.org 

tlj sauf lundi, 11h-8h, entrée 8 €.

Catalogues, « Safaris Safarix », 69 p., et « Safarix, la chasse en BD » de Töpffer à Chris Ware, 51 p., 14,90 € éditions revival, 2016.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°458 du 27 mai 2016, avec le titre suivant : Histoires de safaris

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