Archéologie

Gaulois : la fin d’un mythe

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 31 janvier 2012 - 776 mots

S’appuyant sur de réçentes recherches archéologiques, la Cité des Sciences et de l’Industrie met en lumière la réalité d’un passé trop souvent fantasmé.

PARIS - Les fouilles archéologiques réalisées ces trente dernières années sur le territoire français ont totalement renouvelé notre connaissance du monde gaulois. Contrairement à l’image d’une société archaïque qui aurait été civilisée par les Romains, cette période – qui, pour les archéologues, correspond à la fin de l’âge du Fer – se caractérise par un système économique performant, la naissance de l’État, l’édification d’agglomérations protégées par des remparts, parallèlement à l’organisation de villages spécialisés dans l’artisanat, reliés entre eux par un réseau de voies de circulation dense et complexe, et rattachés à de grandes nécropoles.

Depuis la création, il y a dix ans, de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui réalise des fouilles lors de travaux d’aménagement, ces redécouvertes se sont multipliées, faisant émerger « un passé protohistorique dont nul n’aurait osé, il y a quelques décennies, soupçonner la richesse et la complexité », comme le précisent François Malrain et Matthieu Poux, commissaires scientifiques de l’exposition organisée à la Cité des sciences et de l’Industrie, à Paris. Conçue en partenariat avec l’Inrap, pour en finir avec le mythe gaulois, l’exposition valorise les découvertes réalisées sur un vaste territoire, entre Rhin et Rhône, et couvre une période qui court de 250 avant notre ère à 52, date de la conquête de la Gaule par Jules César.

Destiné à un large public, le parcours met en exergue « une discipline qui a énormément évolué ces dernières années », souligne la commissaire de l’exposition Maud Gouy. Avec ses équipes, elle a imaginé une multitude de procédés pour restituer de façon vivante et dynamique les résultats de recherches scientifiques rigoureuses : installations tactiles et sonores, objets à manier, maquettes, fac-similé d’un chantier de fouilles,  puzzle à reconstituer pour évoquer les différents types de poteries… Servi par des cartels concis ainsi que de petits films, l’ensemble de ces artefacts aide à comprendre le travail de l’archéologue pour mieux révéler les différents aspects de la vie quotidienne gauloise.

Un parcours dynamique
Le visiteur se trouve en interactions avec la scénographie ; même les outils multimédias sollicitent une participation physique. « Pour capter son attention, il faut qu’il y ait un déclic dans la tête du visiteur, qu’il soit étonné, qu’il ait une forme de choc », note encore Maud Gouy. C’est dans cet état d’esprit qu’ont été reconstituées quatre tombes, à incinération et à exhumation, tandis qu’une maquette animée met en scène une cérémonie gauloise dans le sanctuaire de Tintignac, témoignant des différents stades d’un rituel très organisé au sein de la vie publique. Si le parcours est judicieusement conçu, on peut toutefois regretter le trop faible nombre de vestiges archéologiques présentés par rapport à la grande diversité des découvertes réalisées ces dernières années (pour la majorité stockées dans des dépôts).

Réunis dans un même espace, magnifiés par un éclairage zénithal, ils ont été sélectionnés pour illustrer différents aspects de l’organisation sociale ou religieuse gauloise. Citons le casque oiseau et les deux trompettes (carnyx) issues du dépôt du sanctuaire de Tintignac (découvert en 2004) ou encore le trésor monétaire de Laniscat, mis au jour en 2009. On peut s’interroger sur l’absence de pièces du Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye qui conserve pourtant une impressionnante collection en la matière – l’institution vient d’ailleurs de rénover ses salles d’archéologie gauloise. Pour remplacer les pièces majeures dont elle n’a pu obtenir le prêt, la Cité des sciences a choisi de présenter des reproductions de ces œuvres, exposées sans réelle distinction avec les vestiges authentiques au risque de tromper le visiteur. Pour Maud Gouy, « cela ne change pas grand-chose », ce qui est important c’est de servir le propos… Excepté ce procédé quelque peu discutable, l’institution réussit à vulgariser un sujet ardu, et ce sans sacrifier à la clarté du propos l’exactitude des données savantes – le moindre détail de la scénographie correspond à une réalité dont les archéologues ont retrouvé la trace. Le public ne s’y est pas trompé : la manifestation a d’ores et déjà accueilli 100 000 visiteurs depuis son ouverture au mois de septembre.

GAULOIS, UNE EXPO RENVERSANTE

Commissariat : Maud Gouy, Cité des Sciences et de l’Industrie
Commissariat scientifique : François Malrain, archéologue, ingénieur d’études et de recherche, Inrap, et Matthieu Poux, professeur d’archéologie, université Lumière Lyon II
Scénographie : Pascal Payeur
Nombre de m2 : 1 300

Jusqu’au 2 septembre, Cité des Sciences et de l’Industrie, 30 avenue Corentin-Cariou, 75019 Paris, tél. 01 40 05 80 00, www.cite-sciences.fr, tlj sauf lundi, 10h-18h et 19h le dimanche. Catalogue coéditions La Martinière/Universcience, 212 p., 29,90 euros

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°362 du 3 février 2012, avec le titre suivant : Gaulois : la fin d’un mythe

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