Art contemporain

Creux de l’enfer, Thiers (63)

Franck Scurti - L’objet en déroute

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 19 novembre 2009 - 352 mots

À Thiers, l’artiste français Franck Scurti a mis à contribution une entreprise locale pour réaliser une fermeture Éclair d’un kilomètre de long.

L’objet noir et métallique se retrouve depuis à danser le long du plafond d’une des salles du centre d’art. Arabesques, volutes, serpentines, le zip court en boucle comme une énergie folle, un flux matérialisé et fulgurant.

Replication (2009) se plaît à jouer de variations : hélicoïde d’ADN, trait brouillon du premier jet, trajectoire d’un vol improbable, et puis le zip ferme autant qu’il ouvre. Promesse et frustration à la fois, dialogue et silence, le modeste objet revêt une poésie d’une rare densité dans l’esprit tortueux de Franck Scurti. Ce sont ces glissements que l’artiste affectionne depuis toujours.

Dans Empty Worlds (2008), réalisé lors d’une exposition l’an dernier à Vallauris au musée Picasso, il s’était emparé de simples céramiques en terre cuite pour exercer son art de la déviation. Rapatriées dans l’ancienne usine de Thiers, les jarres de différentes tailles, unifiées par leur matière orangée due à la cuisson, se dressent pathétiquement. Elles arborent des protubérances et autres déformations étranges qui les font apparaître bien molles et fraîches, comme avant de s’arrêter dans la chaleur du four. Étranglées par des sangles de cuir – entre ceinture lombaire, garrot et bondage – les pauvres poteries ont enflé, se sont adaptées à la contrition. Cet état, une fois figé par la cuisson, leur aurait valu normalement une disgrâce mais le fond d’or qui tapisse leurs entrailles les a fait basculer dans le domaine du mystère.

Pleines de vide, de cet or divin incarnant un espace irreprésentable dans les icônes, les objets défonctionnalisés sont devenus les sculptures d’un étrange rite. Une drôle de famille d’estropiées, une collection de défauts recelant un contenu merveilleux. Scurti a fait de l’erreur, d’un geste agressif envers la matière, d’une sorte de hasard décidé, le maître mot de ces deux installations expansives qui entretiennent le génie des lieux de ce centre d’art.

« Franck Scurti, Genius Loci et grandes idées », Creux de l’enfer, Vallée des usines, Thiers (63), 04 73 80 26 56, www.creuxdelenfer.net, jusqu’au 31 janvier 2010.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°619 du 1 décembre 2009, avec le titre suivant : Franck Scurti

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