Fragonard, la fragilité derrière la frivolité

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 338 mots

«”¯Le chérubin de la peinture érotique”¯»… C’est en ces termes un brin condescendants que les frères Goncourt allaient résumer la carrière de Jean-Honoré Fragonard, peintre français décédé à Paris en 1806, à l’âge de 74 ans.

Il est vrai que l’auteur du Verrou ou de L’Escarpolette est longtemps passé pour un petit marquis se vautrant dans de coquets boudoirs roses, pour y trousser d’aimables sujets coquins et libertins.

Sous la houlette de l’historienne de l’art Marie-Anne Dupuy-Vachey, l’exposition du musée Jacquemart-André devrait apporter un tout autre éclairage. Si son pinceau aérien a su transcrire à merveille l’esprit léger et raffiné de son temps, Fragonard fut un être infiniment plus complexe et tourmenté que l’image frivole qu’il légua à la postérité. Car sous la signature parfois abrégée en un simple et rapide « Frago », se cachaient un esprit anticonfor­miste (il abandonne la peinture d’histoire pour se tourner vers une clientèle privée), un artiste miséreux (contraint de mettre en gage jusqu’à ses habits), un peintre virtuose (capable d’exécuter des portraits dits « de fantaisie » en une heure de temps). Indécis, fantasque, volontiers désinvolte et surtout foncièrement indépendant, Fragonard semble s’être créé un univers à part, préférant aux salons et aux alcôves la fréquentation des textes de La Fontaine, de l’Arioste, de Cervantès ou du Tasse. En témoignent ces admirables séries de dessins dans lesquels l’artiste se révèle un illustrateur génial, débordant d’imagination et d’humour.
Comment expliquer alors, que Fragonard ait définitivement rangé ses pinceaux à l’âge de cinquante ans ? Sa patte vive et légère subit-elle de plein fouet l’avènement du style néoclassique et son goût immodéré pour l’Antique ?

Sans doute la mort prématurée de sa fille Rosalie en 1788, tout comme la dispersion de sa clientèle sous la Révolution précipitèrent-elles le déclin de la carrière de l’artiste. Avec ce rassemblement exceptionnel d’une centaine d’œuvres dispersées de par le monde, l’exposition du musée Jacquemart-André devrait prendre l’allure d’une joyeuse résurrection.

« Fragonard, les plaisirs d’un siècle », musée Jacquemart-André, 158, bd Haussmann, Paris VIIIe, tél. 01 45 62 11 59, jusqu’au 13 janvier 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Fragonard, la fragilité derrière la frivolité

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