Art contemporain

MOYEN ÂGE ET ART CONTEMPORAIN / EXPOLOGIE

Frac Île-de-France : mais où sont « Berserk » et « Pyrrhia » ?

Par Éva Hameau · Le Journal des Arts

Le 2 mai 2025 - 512 mots

Malgré un propos scientifique solide, l’exposition peine à montrer la filiation entre les motifs médiévaux, leurs appropriations et les œuvres contemporaines.

Vue de l'exposition « Berserk & Pyrrhia, Art contemporain et art médiéval » au Frac Île-de-France. © Martin Argyroglo © Adagp Paris 2025
Vue de l'exposition « Berserk & Pyrrhia, Art contemporain et art médiéval » au Frac Île-de-France.
© Martin Argyroglo
© Adagp Paris 2025

Ile-de-France. Rendre visible l’empreinte de l’imagerie médiévale sur l’art contemporain : voilà un projet fort enthousiasmant sur le papier. Conçu en diptyque, « Berserk et Pyrrhia » présente des œuvres d’une quarantaine d’artistes ainsi que des objets de la période médiévale issus de collections franciliennes. Au Plateau, le Frac explore l’héritage des images apocalyptiques médiévales et des sombres visions romantiques sur l’art d’aujourd’hui par l’intermédiaire de Berserk, célèbre manga de Kentarô Miura. Les Réserves à Romainville sondent, quant à elles, le goût des artistes contemporains pour le merveilleux, l’hybride et la symbiose entre faune et flore, aspects centraux de la saga des Royaumes de Feu de Tui T. Sutherland qui met en scène l’île imaginaire de Pyrrhia.

Seulement voilà, « Berserk et Pyrrhia » ressemble plus à un essai illustré qu’à une exposition : si le discours est pertinent, les pièces exposées peinent à rendre la circulation des motifs observable pour les visiteurs. Les références à Berserk abondent dans les salles du Plateau : les œuvres de Neïla Czermak Ichti, Lucia Hadjam et Léo Penven s’inspirent directement des planches de Miura et les créations de Clémence Van Lunen, Pascal Convert et Gérard Trignac rappellent l’univers graphique du manga, d’après les commissaires. Pourtant, Le Plateau ne présente ni dessins originaux ni reproductions de Berserk, lesquels auraient permis de mettre en évidence les correspondances entre le manga et les œuvres exposées. L’absence d’images de Berserk empêche aussi de comparer les estampes de Gustave Doré (des reproductions sont visibles dans des « grimoires ») à l’univers de Miura, que le journal de l’exposition dit fortement inspiré par le graveur. Outre l’héritage de l’atmosphère « sombre » de l’Apocalypse, Le Plateau explore la dimension villageoise des représentations du Moyen Âge, l’architecture religieuse et la chevalerie. Cette densité apporte plus de confusion que d’éclairage au propos général.

Vue de l'exposition « Berserk & Pyrrhia, Art contemporain et art médiéval » au Frac Île-de-France. © Martin Argyroglo © Adagp Paris 2025
Vue de l'exposition « Berserk & Pyrrhia, Art contemporain et art médiéval » au Frac Île-de-France.
© Martin Argyroglo
© Adagp Paris 2025

Si le manga de Kentarô Miura a un rapport évident avec les œuvres du Plateau, aucune création exposée aux Réserves ne résonne particulièrement avec l’île imaginaire des Royaumes de Feu. L’exposition perd ici en cohérence : « Pyrrhia » ne dit rien sur les pièces médiévales et sur les œuvres contemporaines exposées, sinon qu’elles partagent les mêmes thématiques et réflexions. La saga est d’ailleurs complètement absente des salles, même sous forme de citations murales.

Le choix des pièces médiévales n’est pas toujours approprié. Par exemple, on ne comprend pas très bien le rapport entre le timbre d’horloge de l’abbaye de Barbeaux et les œuvres de François Stahly et Xolo Cuitle au Plateau. Dommage, car l’exposition a le mérite de présenter des œuvres très intéressantes, de styles et de médiums variés : tandis que Jacopo Belloni, Mimosa Echard et Rose-Mahé Cabel livrent leurs formes poétiques végétales et animales, Gérard Trignac et Philippe Mohlitz gravent leurs paysages hallucinés avec maîtrise. L’intrigante installation OpenSource de L. Camus Govoroff, quant à elle inspirée des fontaines au centre des jardins monastiques, redonne vie aux savoirs médicinaux ancestraux. Il aurait été souhaitable de comprendre davantage l’influence des images médiévales (et leurs appropriations) sur leur travail.

Berserk & Pyrrhia, Art contemporain et art médiéval,
jusqu’au 20 juillet. Frac-Paris, 22, rue des Alouettes, 75019 Paris ; Frac-Romainville, 43, rue de la Commune de Paris, 93230 Romainville.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°654 du 25 avril 2025, avec le titre suivant : Frac Île-de-France : mais où sont « Berserk » et « Pyrrhia » ?

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