Feu follet de Xavier Veilhan

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 juin 2004 - 449 mots

Les salles d’expositions temporaires de l’extraordinaire fondation Vasarely, œuvre d’art totale conçue par le maître de l’op art à Aix-en-Provence et achevée en 1976, n’ont pas le cachet des alvéoles principales, échantillons monumentaux d’un savoir-faire cinétique aujourd’hui désuet mais plutôt charmant. Ces espaces vieillots, un peu à l’écart du grand show de Vasarely laissent ces temps-ci s’échapper une douce chaleur rayonnante, une luminosité dansante qu’il convient d’expérimenter. Il s’agit des Light Machines de l’artiste français Xavier Veilhan, rassemblées pour la première fois, après avoir été aperçues, à New York à la galerie Sandra Gering, dans l’exposition « Coollustre » l’été dernier en Avignon ou à Paris, lors de la Nuit blanche 2003. À chaque sortie, ces tableaux lumineux, recouverts d’ampoules électriques comme autant de pixels d’une image enregistrée en basse définition, hypnotisent le public aussi sûrement qu’un magicien.
Le panneau de la fée électricité vacille en permanence, les ampoules s’allumant doucement selon un rythme faussement aléatoire, permettent de s’approcher, de se laisser captiver par le feu qui couve dans les filaments incandescents. Pourtant, mieux vaut rester à distance sinon l’image mobile n’échappera pas à l’abstraction qui la sous-tend. Alternance d’expériences plus elliptiques sur le mouvement (va-et-vient d’une boule noire, faisceau lumineux dans l’obscurité) et de films sur le mouvement corporel (entraînement de kendo, plongeur, barre fixe), les Light machines exaltent une certaine modernité contrariée, leitmotiv depuis une dizaine d’année de Xavier Veilhan. Comment ne pas penser aux expériences photographiques sur le mouvement de Marey ou Muybridge à la fin du XIXe siècle, lorsque l’on décrypte les images épurées par la basse résolution de l’écran ? Comme dans un souvenir, les images que Xavier Veilhan a gardées n’ont plus aucune aspérité, elles révèlent des formes génériques, sans visages, dépersonnalisées ; de l’objet au signe, « la narration est d’autant plus riche qu’elle est ouverte et incomplète ». L’artiste avait déjà multiplié les signes ouverts (rhinocéros rouge et rutilant, garde républicaine en résine, photographies lissées aux motifs figuratifs étrangers), plongé le spectateur dans l’expectative sans avoir jamais peur du spectaculaire ; avec l’image animée, il pousse un peu plus la figuration dans ses retranchements. Un peu comme les peintres hyperréalistes à qui il avait rendu un hommage intelligent à la dernière Biennale de Lyon, en confrontant les toiles de  peintres pour qui la figuration n’est qu’une surface, une illusion dans un écrin noir et réfléchissant brouillant un peu plus la vision. À la fondation Vasarely, le mirage se produit en fixant ces « feux de cheminées ».
Un peu d’art cinétique par-dessus et le brouillage des sens sera total.

« Xavier Veilhan, Light Machines », AIX-EN-PROVENCE (13), fondation Vasarely, 1 avenue Marcel Pagnol, tél. 04 42 20 01 09, jusqu’au 12 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°559 du 1 juin 2004, avec le titre suivant : Feu follet de Xavier Veilhan

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