Erró, une vision Kaléidoscopique

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 23 février 2010 - 420 mots

Inventée par Picasso en 1912 afin d’éviter de sombrer dans l’abstraction, la technique du collage a permis à l’Espagnol de rameuter le réel dans sa toile en y collant un morceau de toile cirée et en l’entourant d’un bout de corde. À deux pas de l’exposition que consacre à Erró la galerie d’art graphique du Musée national d’art moderne, la Nature morte à la chaise cannée de Picasso passe pour une pièce d’archéologie.

À mille lieues du débat qui conduisit ce dernier à cette invention prospective, Erró s’est accaparé la pratique du collage pour de toutes autres raisons. Il s’en sert comme matrice à la réalisation de ses tableaux, recourant pour cela à leur transposition sur la toile par le biais d’un épiscope. Né en Islande en 1932, installé en France depuis plus d’un demi-siècle après avoir notamment vécu à New York, Erró est enfant de son temps, celui de l’image et des médias. Influencé par le surréalisme et le Pop Art, il est l’un des représentants majeurs du mouvement de la Figuration narrative.
 
Passionné par tout ce qui porte une image, du livre illustré à la bande dessinée en passant par tous les genres de production imprimée, il passe son temps à découper, classer et stocker tout ce qui lui tombe sous la main, se constituant par là un impressionnant réservoir iconographique [lire L’œil n° 603]. Il opère ainsi toutes sortes de greffons imprévisibles, souvent drolatiques, entre les images les plus inattendues pour en créer de nouvelles qui nous incitent à ressourcer notre regard. Détenteur d’une documentation qui traverse toutes les cultures du monde, Erró en compose, en observateur acerbe de ses dérives et de ses travers, comme une fresque sans fin.
 
Qu’il commente l’actualité, qu’il revisite l’histoire de l’art, qu’il rende hommage à l’un de ses pairs, qu’il brosse une forme d’allégorie nouvelle, Erró n’a pas son pareil pour passer de l’ordre au chaos et vice versa et faire se juxtaposer un cosmonaute, une église baroque, Mao, la place San Marco, Dracula, etc. Tour à tour peintre d’histoire, paysagiste, portraitiste, auteur de scénarios invraisemblables, Erró écume tous les genres et son œuvre s’offre à voir comme un grand livre, celui des riches heures d’un monde en éclats vu au travers d’un kaléidoscope inédit. Tout s’y bouscule dans une rumeur joyeuse et incessante qui en dit long de la folie des hommes.

Voir

« Erró, 50 ans de collages », Centre Georges Pompidou, Musée national d’art moderne, galerie d’art graphique, place Georges Pompidou, Paris IVe, www.centrepompidou.fr, jusqu’au 24 mai 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°622 du 1 mars 2010, avec le titre suivant : Erró, une vision Kaléidoscopique

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