De Bruegel à Rubens un best of flamand à la sauce anglaise

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 29 mai 2008 - 1165 mots

Rares sont les occasions de pouvoir admirer les peintures de la collection royale britannique. Après une présentation en Écosse et avant le palais de Buckingham, une exposition consacrée à la collection flamande de la reine fait une halte à Bruxelles.

C'est une collection de rêve. On y croise Titien, Rubens, Rembrandt ou Vermeer, mais aussi Léonard de Vinci, Le Brun ou Véronèse, au milieu d’une multitude d’objets d’art ou de bijoux. Certaines œuvres sont exposées dans la galerie de la reine, d’autres sont prêtées dans le cadre d’expositions temporaires, certaines décorent les nombreuses résidences royales et d’autres, encore, sont soigneusement remisées en réserves. La collection royale britannique est probablement l’une des plus fascinantes, à la fois par son contenu mais aussi par son histoire. Elle a été enrichie par tous les souverains depuis les Tudor, à la fin du xve siècle, et jusqu’à aujourd’hui, au gré des vicissitudes de l’histoire de la famille royale.
Si la collection italienne constitue l’ensemble le plus magistral, la peinture flamande n’est pas en reste. Les liens artistiques entre les Flandres et l’Angleterre ont en effet été multiples et féconds. Mais au xviie siècle, ils ont été incarnés par une figure : l’Anversois Antoon Van Dyck (1599-1641), que les historiens d’art anglais considèrent comme un peintre anglais.

L’influence de Van Dyck sur l’école britannique
En 1632, l’ancien assistant de Rubens s’installe en effet à Londres et devient le « principal peintre ordinaire » du roi Charles Ier Stuart (1600-1649). Ce dernier a été sans conteste l’un des plus grands amateurs d’art de son époque, détenteur d’une fabuleuse collection enrichie notamment, en 1629, par le rachat de la prestigieuse collection des Gonzague de Mantoue. Quelque temps auparavant, Rubens (1577-1640), qui s’était déjà épuisé, de 1627 à 1631, à décorer la salle du banquet de Whitehall, à Londres, avait pourtant décliné l’invitation.
Malgré plusieurs voyages qui le feront revenir à Bruxelles et Anvers à diverses reprises, Van Dyck devient le principal portraitiste de la cour et de l’aristocratie anglaises. Il meurt à Londres en 1641 où il est inhumé dans la cathédrale Saint-Paul avec les honneurs royaux. Son influence sera décisive sur les peintres anglais, notamment Reynolds et Gainsborough.
Si tous les portraits de l’époque anglaise de Van Dyck ne sont pas de la même qualité, certains ont fait sa renommée, notamment les grandes images du roi Charles Ier. Mais l’histoire est parfois cruelle. En 1649, Charles Ier est exécuté sur ordre de Cromwell, qui proclame la République. Sa collection est alors vendue à l’encan. Tous les grands collectionneurs se précipitent pour en racheter les miettes. De nombreux grands Van Dyck sont alors dispersés dans toute l’Europe.
Sur la vingtaine d’œuvres de l’artiste que conserve encore la Royal Collection, seules cinq ont fait le voyage. La sélection des conservateurs de la Royal Collection pour l’exposition n’a pas retenu les célèbres portraits de Charles Ier, mais a mis l’accent sur ses peintures religieuses, moins connues. Parmi celles-ci, Jésus guérissant un paralytique (vers 1619, p. 69) a vraisemblablement été
exécuté dans l’atelier de Rubens d’après un dessin du maître. Il a été acquis par le roi George IV (règne : 1820-1830), amateur de peinture nordique et qui a été à l’origine de nombreux enrichissements. Plusieurs des monarques anglais, à commencer par Charles II, fils de Charles Ier, ont en effet tenté de reconstituer la collection de leur ancêtre.
Rubens figure lui aussi, logiquement, en bonne place dans l’exposition. Présenter des Rubens à Bruxelles, où l’on en trouve déjà pléthore, pourrait n’avoir aucun intérêt. La sélection a donc porté sur plusieurs grands paysages, un pan de l’activité du peintre mal représenté dans les collections des Musées royaux des beaux-arts belges.
L’Autoportrait de 1623 a quant à lui une histoire spécifique dans la collection, puisqu’il a été présenté à Charles Ier, encore prince de Galles, pour convaincre des talents du peintre. L’esquisse de L’Assomption de la Vierge (1611-1612) pourra enfin être comparée au grand retable des carmes déchaussés conservé au musée.

Siècle d’or  : un florilège de l’art flamand
L’exposition ne se limite toutefois pas à ces deux célébrités. Aux cinquante et une peintures de la collection royale ont été adjointes quatorze œuvres des collections du musée de Bruxelles. Le parcours, chronologique, débute avec les Primitifs flamands et une galerie de portraits des ducs de Bourgogne qui ont dominé les Flandres à la fin du Moyen Âge. L’art du portrait a fait la notoriété de la peinture flamande. Ainsi de l’humaniste Érasme (1517) par Quentin Metsys (1464/65-1530), qui a été offert à Thomas More à Londres avant d’entrer dans les collections de Charles Ier.
Le curieux portrait des Trois Enfants de Christian II de Danemark (1526), figurés endeuillés après la mort de leur mère, illustre quant à lui le pinceau tardif de Jan Gossaert dit Mabuse (vers 1478-1532), peintre qui a été à l’origine de la diffusion du goût romain à Anvers. S’il est resté anonyme par son sujet et son auteur, le Jeune homme à sa fenêtre (vers 1550-1560) est aussi l’un des chefs-d’œuvre de l’illusionnisme : le tableau devient la fenêtre vitrée derrière laquelle se trouve le jeune homme.
Le parcours se poursuit par une évocation des troubles qui agitent les anciens Pays-Bas après la Réforme, au milieu du xvie siècle. L’art de Bruegel l’Ancien y occupe certes une place majeure (lire l’encadré), mais aussi celui d’artistes moins connus tels que Maarten Van Heemskerck (1498-1574). Les Quatre Dernières Choses (1565), avec son iconographie liée au Jugement dernier, réunit ainsi un impressionnant catalogue d’émotions humaines.
Le siècle d’or est à l’honneur avec les Rubens et les Van Dyck évoqués précédemment, mais aussi avec Paul Bril et Jan Bruegel le Jeune puis, après 1648, avec David Teniers le Jeune. Ce dernier effectue alors une synthèse entre deux grandes tendances de la peinture flamande : la scène de genre chère à Bruegel et le goût du paysage hérité de Rubens et Van Dyck. Sa palette aux teintes argentées deviendra une marque de fabrique de la peinture flamande.

Questions à... Véronique Bücken, Musées royaux des Beaux-Arts

Quelles sont les œuvres emblématiques de cette collection ?
Il y a bien sûr Le Massacre des Innocents de Pieter Bruegel l’Ancien, que nous présentons en regard d’un tableau sur le même thème de Bruegel le Jeune. L’exposition est aussi l’occasion de présenter des Van Dyck de la période anglaise, dont nous n’avons pas d’exemple ici au musée. Une œuvre de jeunesse du peintre est par ailleurs présentée à côté d’un Jordaens de jeunesse de notre collection. Elles montrent la dette qu’ont eue ces deux artistes à l’égard de Rubens et comment ils ont dû s’en libérer pour affirmer leur personnalité.

Cette exposition offre-t-elle des découvertes au public belge ?
La petite aquarelle figurant le portrait des enfants de Rubens par Fruytiers nous a permis de découvrir une autre facette de ce peintre anversois, plutôt connu ici pour ses tableaux d’autel. Jacob de Formentrou est aussi un peintre qui n’est pas présent dans nos collections. Il s’agit donc d’une découverte pour le public belge.

Autour de l’exposition

Informations pratiques. « La collection royale britannique, de Bruegel à Rubens » jusqu’au 21 septembre. Commissaires : Véronique Bücken et Desmond Shawe-Taylor. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Musée Art ancien et Art moderne, rue de la Régence 3, Bruxelles. Ouvert tous les jours de 10 h à 17 h. Tarifs : 9 euros, 6,5 euros et 2,5 euros. www.fine-arts-museum.be

La Belgique française ! Alors que la France s’apprête à assurer la présidence de l’Union européenne, la Belgique met à l’honneur les artistes français à travers 5 expositions dans des lieux artistiques phares de Bruxelles et sa région. L’espace culturel de Bruxelles ouvre le bal avec « Portrait et paysage au xxie siècle » du 4 juillet au 10 août. Quant à la Grand-Place de Bruxelles, elle est habillée d’une œuvre lumineuse de Yann Kersalé de juillet à septembre. www.francekunstart.be

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°603 du 1 juin 2008, avec le titre suivant : De Bruegel à Rubens un best of flamand à la sauce anglaise

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