Art Contemporain - Ce n’est que justice. La magnifique exposition d’Eugène Dodeigne (1923-2015), ouverte et fermée le même jour – le 17 mars 2020, au début du premier confinement – a pu être reconstituée grâce aux efforts de son commissaire, Germain Hirselj, spécialiste de l’artiste.
Deux cents œuvres, sculptures et dessins, permettent d’appréhender les différentes périodes de Dogeigne, y compris les premières années où, sous l’influence de Constantin Brancusi, les volumes sculptés sont encore lisses. Ses personnages, ou plutôt ses totems inaccessibles, figés dans une sorte de contemporanéité intemporelle où archaïsme et modernité se confondent, forment des ensembles clos et autosuffisants, qui semblent secréter leur propre espace. Souvent, l’artiste opère une synthèse entre une forme traditionnelle, pratiquement classique et un traitement qui insiste sur l’inachevé, sur la matérialité brutale de la pierre. Tout porte à croire que ses sculptures doivent leur allure à la taille directe, une technique que l’artiste fut l’un des derniers à pratiquer. Certains travaux présentés ici paraissent abstraits – Lave grise (1958) ou Le Trou (1959). Mais, même ces œuvres, qui interrogent les enjeux spécifiques de la sculpture du XXe siècle – le plein et le vide, le fini et l’inachevé ou encore le fragment isolé – ne renoncent pas à une apparence organique. Monolithiques, parfois voûtés, scarifiés, ses personnages s’inscrivent dans la tradition qui veut que, depuis toujours, la ronde-bosse a été une méditation sur le corps. Ses dessins font émerger, à partir d’un enchevêtrement de lignes chargées, multipliées, estompées, des corps encore inachevés, comme instantanés. Comme avec les travaux en trois dimensions, ce sont les mouvements, les trajectoires des corps, des poses inhabituelles, éloignées de toute tradition académique qui fascinent Dodeigne. Constitués de lignes nouées et dénouées, rationnelles et chaotiques à la fois, ces corps ou visages échappent à une forme définitive et figée. En d’autres termes, ce sont des figures d’incertitude.
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Corps de pierre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°781 du 1 décembre 2024, avec le titre suivant : Corps de pierre