Carsten Höller... fun !

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 7 août 2007 - 321 mots

Soit qu’il pousse l’expérience dans ses retranchements les plus littéraux, soit qu’il ironise sur ses récentes pratiques et les quelques critiques qui s’ensuivirent, Carsten Höller confirme à la Tate Modern son aptitude au parc d’attraction. Septième artiste à investir la vertigineuse Turbine Hall dans le cadre du programme de mécénat Unilever Series, l’artiste allemand y a crânement installé cinq toboggans entremêlant leurs trajectoires autour de poteaux verticaux.
Les objets tubulaires — cinquante-six mètres de long pour le plus grand et un vertigineux dénivelé — occupent sans difficulté l’immense volume du hall. Vitesse, tangage et haut-le-cœur assurés donc, à condition d’affronter la  file d’attente pour les petits modèles et de prendre rendez-vous pour le très demandé big slide. Les longs serpents d’un gris miroitant recrachent enfants et dignes visiteurs de musée à un rythme cadencé, pour un évident parfum récréatif.
Sans doute est-il tentant d’apparenter les toboggans à la spectacularisation des pratiques contemporaines. La glisse flirte bien avec le divertissement, mais chez Carsten Höller, l’affaire se corse un peu : à Marseille en 2004, il entreprenait déjà de déconditionner la perception à coup de lunettes renversant le monde, d’images stroboscopiques, de désynchronisations visuelles et autres apprentissages éprouvants pour visiteurs/cobayes consentants. L’année suivante, lors de la Biennale de Lyon, il soumettait à nouveau le spectateur à une succession d’expériences sensorielles et scientifiques, alignées dans une étroite structure architecturale. Pour cet artiste de formation scientifique, il s’agit bien souvent de bousculer les acquis, d’examiner et multiplier les réactions face à quelques modifications d’états physiologiques.
À Londres, Carsten Höller, qui s’essaie à ce motif pour la cinquième fois déjà, ne prive pas les toboggans de leur capacité sculpturale de séduction. Mais il semble surtout compter sur les expériences anxiogènes et jouissives qu’ils engagent : regarder glisser, glisser dedans ou regarder le monde après la glissade. Un monde bien chancelant.

« The Unilever Series : Carsten Höller », Tate Modern, Bankside, Londres (Grande-Bretagne), jusqu’au 9 avril 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°587 du 1 janvier 2007, avec le titre suivant : Carsten Höller... fun !

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