Burne-Jones l’enchanteur

L'ŒIL

Le 1 juin 1998 - 324 mots

A propos de Laus Veneris (Louanges de Vénus), composition inspirée de la légende de Tannhäuser, Henry James ironisait sur ces créatures « pâles, souffreteuses et blafardes, à la manière de toutes les jeunes personnes de M. Burne-Jones ». Princesses lointaines perdues dans d’insondables rêves, fées diaboliquement belles, chevaliers androgynes engoncés dans des cuirasses ciselées comme des bijoux : l’univers onirique et précieux d’Edward Burne-Jones (1833-1898) apparaît comme l’une des manifestations les plus originales de ce « Mouvement esthétique » qui marqua l’art britannique dans le dernier tiers du XIXe siècle, fédérant des personnalités aussi diverses que Whistler ou Oscar Wilde. Tout comme William Morris, son condisciple à Oxford, Burne-Jones se destinait à la prêtrise. William Rossetti et sa vision d’un Moyen Age enchanté persuadèrent les jeunes gens de se consacrer à l’art. Ils travaillèrent donc avec le maître, qui avait compté en 1848 parmi les membres fondateurs de la confrérie des Préraphaélites. Réformer l’art en s’inspirant des Primitifs italiens, tel était le credo du groupe qui préconisait en outre une approche plus vraie du spectacle de la nature. Des maîtres du Quattrocento comme Botticelli ou Filippino Lippi, Burne-Jones retiendra l’élégance de la ligne et le goût des compositions en frise dans ses ambitieuses peintures, inspirées de légendes médiévales. Quant à la nature, il ne la verra qu’à travers le regard poétique des enlumineurs ou des lissiers de la fin de l’âge gothique.
Pour cette première rétrospective américaine de l’artiste, plus de 170 œuvres ont été réunies, peintures monumentales mais aussi livres illustrés, vitraux et carreaux de céramique. Les somptueuses tapisseries tissées par la firme de William Morris valent qu’on s’y attarde. C’est peut-être dans cette dernière technique que l’art de Burne-Jones trouve son expression la plus juste. Tissées en laine et en soie et bordées de luxuriants rinceaux, ses scènes énigmatiques, baignées d’une lumière crépusculaire, sont dignes de Merlin l’enchanteur et du roi Arthur.

New York, The Metropolitan Museum of Art, jusqu’au 6 septembre

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°497 du 1 juin 1998, avec le titre suivant : Burne-Jones l’enchanteur

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