Bettina Rheims

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 avril 2006 - 346 mots

Dans un décor rudimentaire et clos, uniformément gris, nanti d’une sorte de gros caillou comme seul lieu d’ancrage, Bettina Rheims a invité une vingtaine de femmes à poser devant son appareil photo. Ces vingt-trois « héroïnes », comme elle les appelle, constituent la dernière livraison de l’artiste que l’on peut voir en ce moment chez de Noirmont.
Laetizia Venezia, Milla Jovovich, Blanca Li, Asia Argento, Natasa Vojnovic, etc., Bettina Rheims n’a pas choisi n'importe qui pour modèles. Elle a convoqué toutes celles qui sont ordinairement considérées comme les plus belles femmes du monde.
Inspiré d’une photo de l’atelier de Giacometti dont les murs et le sol sont ponctués de coulées de plâtre et parcourus de graffitis à la craie, le décor voulu par la photographe visait à jouer en décalage avec la beauté de ces dernières. De fait, vêtues de riches tissus soyeux et transparents, plus ou moins dénudées, elles s’efforcent d’entrer dans le cadre affichant une sensualité à fleur de peau. La peau, elle, est le lieu par excellence au-delà duquel le travail de Bettina s’applique en quête d’une lumière toute intérieure.
À l’opposé de clichés qui sont le plus souvent des effets de mode, l’artiste réussit à créer un type d’images inédit entre une iconographie quasi « Renaissance » et une image contemporaine d’une intimité sans détour. Critiques au meilleur sens du mot de toute une pratique du portrait, les photos de Bettina Rheims développent un genre nouveau qui cultive tradition et modernité, voire post-modernité, si tant est que ce terme n’est pas trop désuet.
Dans tous les cas, ses images sont fortes d’une présence qu’il faut affirmer féminine sans pour autant tomber dans le grotesque d’un débat obsolète. Le rapport de ses modèles à l’espace, comme vecteur spécifique à la photographie, y trouve une formulation singulière dans cette façon de saisir une temporalité propre à l’abandon. D’autant que les images de Bettina Rheims sont chargées d’une dimension érotique latente.

« Bettina Rheims - Héroïnes », galerie Jérôme de Noirmont, 38, avenue Matignon, Paris VIIIe, tél. 01 42 89 89 00, 17 mars-11 mai 2006.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°579 du 1 avril 2006, avec le titre suivant : Bettina Rheims

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