Art ancien

Au XIXe siècle, le portraitiste américain George Catlin incarne la voix de la nation indienne

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 417 mots

Mine de rien, la première salle de l’exposition est une belle provocation. Les portraits d’Indiens et les descriptions des rites quotidiens tribaux semblent pourtant anodins. Et cependant, les accrocher dans un musée des Beaux-Arts soulève une petite tempête, car les sept portraits d’Indiens signés par le spécialiste du sujet, George Catlin (1796-1872), appartiennent à la collection du musée du quai Branly. Des toiles dont la qualité esthétique est a priori secondaire à l’intérêt ethnographique qui en fait ainsi des documents peints.

George Catlin, le Géricault américain
Aux États‑Unis, les mêmes tableaux ont droit aux égards dus aux chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art  ! D’ailleurs, le portrait du chef ­Cherokee, Tuch-Ee démontre toute la qualité de la peinture de Catlin, la connaissance des canons du genre qui rappelle le talent d’un Géricault.
L’estime dont George Catlin fait preuve envers cette nation indienne n’est d’ailleurs pas que picturale. Abandonnant sa carrière juridique en 1830, il effectue plusieurs expéditions dans les territoires des tribus Blackfeet, Crow, Sioux, Cherokee jusqu’en 1834. Il peint et dessine sur le vif, note, esquisse les rites quotidiens et religieux, puis peaufine le rendu en atelier.
Catlin excelle, il est un des seuls, avec le Suisse Karl Bodmer, à connaître aussi bien ces « seigneurs de la forêt » au-delà des clichés sanguinaires du sauvage peau-rouge. Mais qui s’intéresse à ces peuples  ?

L'Europe sous le charme du Wild West shows
George Catlin constitue alors sa « galerie indienne », ensemble d’une centaine de toiles et d’objets collectionnés au cours de ses campagnes, et part à l’assaut des grandes villes américaines. Très vite, il traverse l’Atlantique et conquiert Londres. Le public européen adore. L’artiste devenu businessman s’associe à des Indiens Iowas pour la production de Wild West shows avec reconstitutions de danses et rituels indigènes.
Paris succombe. George Sand, dans Le diable à Paris, relate l’événement et Baudelaire, dans Salon de 1846, est précurseur en affirmant dans ses notes la qualité artistique des œuvres de Catlin. Louis-Philippe reçoit la troupe le 21 avril 1845, comme le montre la toile de Karl Girardet présente dans l’exposition, et commande aussitôt quinze portraits dont sept sont exposés à Rouen. Le peintre y apporte la noblesse, délestant la civilisation indienne du caractère caricatural qui mine souvent sa représentation.
Dans cette première salle, on comprend pourquoi Baudelaire en appelle à la sculpture antique devant ces allures légendaires. Les bases de la mythologie de l’Ouest résident bien dans ces toiles. Et l’exposition de présumer ainsi la place centrale de ces peuples « premiers » dans une histoire
iconographique encore ambiguë outre-Atlantique.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Au XIXe siècle, le portraitiste américain George Catlin incarne la voix de la nation indienne

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