Des artistes tunisiens accusés de nuire à l’ordre public et aux bonnes mœurs

Par Lucile Pages · lejournaldesarts.fr

Le 5 septembre 2012 - 423 mots

TUNIS (TUNISIE) [05.09.12] – Les artistes tunisiens Nadia Jelassi et Mohamed Ben Slama sont accusés d’atteinte au sacré et de nuire à l’ordre public et aux bonnes mœurs suite à l’exposition « Printemps arabe ». L’ONG américaine Human Rights Watch (HRW) leur apporte son soutien.

Suite aux émeutes du 11 juin dernier après l’exposition « Printemps des arts » à la Marsa, l’artiste Nadia Jelassi affirme avoir été convoquée par la police judiciaire à se rendre au tribunal de première instance de Tunis. L’artiste a alors été informée de l’ouverture d’une enquête sur les événements d’Al Abdelliya. Certaines œuvres de l’exposition avaient provoqué de vives protestations de la part de Salafistes. L’œuvre de Nadine Jelassi, Celui qui n’a pas… était une installation représentant des bustes de femmes voilées émergeant d’un amas de pierre.

Le 17 août, l’artiste a été accusée de « nuire à l’ordre public et aux bonnes mœurs » selon l’article 121.3 du code pénal. La même accusation a été portée contre l’artiste Mohamed Ben Slama qui séjourne actuellement en France. Ils risquent tous deux entre 6 mois et 5 ans de prison.

Le 28 août dernier, le juge d’instruction a interrogé Nadia Jelassi sur « les intentions derrière son œuvre » et sa volonté de choquer le public. Elle est ensuite passée au service anthropométrique dans lequel on a pris des photographies de son visage et relevé ses empreintes. Selon Jelassi, l’accusation d’un artiste sur la base d’intentions artistiques est une première juridique en Tunisie, première qui « risque de faire jurisprudence si rien n’est fait », s’est-elle inquiétée.

Nadia Jelassi confirme n’avoir reçu aucun soutien du ministère de la Culture, hormis un communiqué officiel dans lequel le Ministre affirme qu’il n’a pas porté plainte. Un communiqué que l’artiste juge honteux, sachant que l’accusation avait été initiée par le procureur de la République.

L’article 121.3 définit comme délit « la distribution, la mise en vente, l’exposition aux regards du public et la détention en vue de la distribution, de la vente, de l’exposition dans un but de propagande, de tracts, bulletins et papillons d’origine étrangère ou non, de nature à nuire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs » a rappelé HRW. Pour Eric Goldstein (directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW), l’abandon de cette loi doit être une priorité pour le gouvernement provisoire tunisien ; elle représente « une tentation irrésistible » de faire taire ceux qui sont en désaccord. HRW a appelé la justice tunisienne à abandonner les poursuites contre les deux artistes.

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Panneaux de signalisation routière près de Sousse - Tunisie - © Photo Eugenijus Radlinskas - 2008 - Licence CC BY 2.0 

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