Gravure

Crommelynck, maître de l’estampe

Par Itzhak Goldberg · lejournaldesarts.fr

Le 9 décembre 2014 - 534 mots

RODEZ (MIDI-PYRENEES) [23.12.14]- Le Musée Soulages à Rodez rend hommage à cet imprimeur en taille douce qui collabora avec de grands artistes, « de Picasso à Jasper Johns ».

RODEZ - Benoît Decron, directeur du Musée Soulages à Rodez, veille à ce que son lieu ne se limite pas à la seule présentation du maître. L’exposition récente fait le lien avec la place importante accordée par le musée au pan moins connu de la production plastique de Soulages, la gravure. En collaboration avec la Bibliothèque nationale de France (1) et sa collection impressionnante d’œuvres gravées, il rend hommage à un des imprimeurs d’art les plus connus en France : Aldo Crommelynck (1931-2008).

Aldo qui ? C’est bien là le problème de l’histoire de l’art qui oublie que les artistes, aussi talentueux soient-ils, se font souvent aider. Ce constat est d’autant plus vrai quand il s’agit de la gravure où généralement le peintre et l’imprimeur travaillent main dans la main.

Dans le cas de Crommelynck, qui ouvre son atelier à Montparnasse en 1956, une rencontre marquante a lieu avec Picasso. C’est pour travailler à ses côtés qu’il installe une presse à Mougins (Alpes-Maritimes). Résultat, 700 gravures, dont certaines sont exposées ici. On le sait, la notoriété mythique de Picasso attire le public (voir le titre un peu racoleur de l’exposition), et Crommelynck va collaborer par la suite avec des pointures comme Richard Hamilton, Jim Dine ou Jaspers Johns. C’est grâce à ces fréquentations qu’il va élargir son activité aux États-Unis, au point d’installer un deuxième atelier à New York, en 1986.

Confrontations
L’intérêt de la manifestation de Rodez vient de la qualité des choix d’œuvres et surtout de la présentation de certains travaux qui tranchent avec l’œuvre peinte par leur créateur. Ainsi, Raphael suite 3 et 7 (1986) de David Salle soit des eaux-fortes sombres, entre portrait inquiet et crâne (vanité ?), sont bien loin du caractère grinçant, parfois obscène, des toiles du peintre. Étonnante encore est la série des verres transparents et flottants d’Edward Ruscha (Sunliners, 1, 3, 5, 6, 1996). Non pas que l’objet, tiré de l’environnement quotidien, soit différent de ceux que le photographe conceptuel met habituellement en scène.

Cependant, à la différence de la recherche de banalité absolue dans ses fameux Twentysix Gasoline Stations, c’est un sentiment de poésie délicate que dégagent ces images fragiles. À l’opposé, une gravure accentue parfois davantage la direction visuelle choisie par un peintre. Man with Pipe (1984), visage lisse, comme déshabillé, transmet encore mieux le sentiment du vide, de l’absence que portent tous les personnages livides d’Alex Katz.

Hamilton, enfin, dans son admiration pour Picasso, n’hésite pas à reprendre son interprétation magistrale des Ménines de Vélasquez, et à placer son idole au cœur de l’œuvre (Picasso’s Meninas, 1973). Ailleurs, il se représente lui-même, torse nu, assis face à Picasso (Artist and Model, 1974), ou encore en étudiant en admiration devant une statue figurant le grand maître (The Student. Hommage to Picasso, 1973). Hommage ou parodie ?

Note

(1) où l’exposition fut présentée d’avril à juillet, sous le commissariat de Céline Chicha-Castex, conservatrice, Marie-Cécile Miessner et Cécile Pocheau Lesteven, conservatrice en chef honoraire et conservatrice en chef au département des Estampes et de la Photographie de la BNF.

De Picasso à Jasper Johns, l’atelier d’Aldo Crommelynck

Jusqu’au 8 mars 2015, Musée Soulages, jardin du Forail, av. Victor-Hugo, 12000 Rodez, tél. 05 65 73 82 60, mardi-vendredi 10h-12h, 14h-18h, samedi-dimanche 11h-18h.

Légende Photo :
Pablo Picasso, Fumeur à la cigarette verte, 1970, eau-forte, pointe sèche, grattoir, aquatinte, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie, Paris. © BnF.

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