Toulouse

Un printemps rafraîchissant

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2007 - 708 mots

La nouvelle édition du Printemps de Septembre fait mouche en donnant amplement
la parole à la jeune création française.

 TOULOUSE - Les grands n’ont pas toujours le dernier mot ! Preuve en est lors de la nouvelle édition du Printemps de Septembre, à Toulouse, où cohabitent deux manifestations distinctes, réparties dans sept lieux de la ville rose. L’une, « Hamsterwheel », initiée par Franz West et Urs Fischer, rallie une « élite » internationale dont certains des protagonistes sont parmi les créateurs les plus réclamés de la sphère arty (Douglas Gordon, Paola Pivi, Piotr Uklanski, Rachel Harrisson…). L’autre, « Wheeeeel, une jeune scène française » rassemble une vingtaine d’artistes de l’Hexagone, dont le plus jeune est né en 1983 et l’aîné en 1972.
« Hamsterwheel », exposition itinérante déjà présentée l’été dernier, concomitamment à la Biennale de Venise, est un projet conçu par des artistes qui se sont choisi par cooptation, sans qu’apparaissent d’autres motivations que des affinités complices. L’argument est court et trouve ses limites dans l’absence, certes revendiquée, de direction !
Outre qu’elle est l’exact reflet de cette tendance à la mode, de plus en plus appuyée, qui voit les artistes se substituer aux critiques en tant que commissaires d’expositions, sans que des exemples particulièrement probants aient récemment démontré qu’ils étaient les plus à même de remplir ce rôle, cette présentation pose quelque part le problème de la déresponsabilisation de ses concepteurs.
Le tout s’avère aussi parfaitement illisible et vire à la cacophonie, dans le réfectoire des Jacobins. Rares sont les artistes qui émergent, à l’instar de Sarah Lucas et son surprenant Richard (2004), chope en céramique à échelle humaine figurant Richard Cœur de Lion. Pour une fois assez pertinente, l’installation des Autrichiens Gelitin, vaste structure de bois chaotique et proliférante (Sans titre, 2007), n’en phagocyte pas moins tout ce qui l’entoure, à commencer par la belle œuvre de Mel O’Callaghan, All in One Day (2007), dont la lenteur et le silence de la fonte et de la reformation d’un bloc de glace sont littéralement annihilés par l’environnement.
S’il est une objection à faire à « Wheeeeel », elle tient précisément dans ce même refus affiché de délivrer un discours construit, préférant « l’absence revendiquée de thématique ou de ligne conceptuelle et historique », pour reprendre les termes des organisateurs, Marie-Frédérique Hallin et Thierry Leviez, membres de l’équipe du Printemps de Septembre.
L’ensemble se révèle pourtant réjouissant, s’offrant telle une sorte de laboratoire de découvertes très décomplexé, où se mêle une belle diversité, un peu à la manière des anciens « Ateliers de l’ARC », au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Le parti pris d’allouer des espaces conséquents à chaque protagoniste, sans négliger les productions de grande ampleur, n’y est pas étranger.
Parmi les premières œuvres, se démarquent l’univers mélancolique d’Emmanuel Lagarrigue, où le son devient sculpture (Still Seeing Worlds that Never Were, 2007), ou encore la production finale du film Rien du tout (2006) de Clemens von Wedemeyer et Maya Schweizer, réalisé lors de l’exposition du premier au centre d’art de Brétigny-sur-Orge l’an dernier (lire le JdA n°232, 3 mars 2006). Daniel Dewar et Grégory Gicquel frappent fort avec leur troupeau d’hippopotames en kaolin (Sans titre, 2007), sorte de vaste embouteillage où la masse apparaît par endroits pour se déliter ailleurs.Des découvertes ou confirmations de talents pressentis jalonnent aussi le parcours. Mathieu Kleyebe Abonnenc et Marion Mahu produisent un film intriguant et saisissant où rien n’est défini et la tension tient dans la suggestion (L’Oreille de la proie, 2007). Armand Jalut interpelle avec sa peinture qui procède par énigmes, avec une belle maîtrise d’effets. Stéphane Thidet installe une cabane en sapin dans laquelle il pleut à verse (Refuge, 2007). Julien Laforge convie au loin, à d’étranges voyages sur des terres incertaines, grâce à des constructions hybrides où se mêlent structures rigoureuses et formes organiques.
Reste un souhait : que l’équipe organisatrice parvienne à exporter cette manifestation et contribue enfin à faire taire le chœur des pleureuses sur la difficulté des artistes français à passer les frontières. Une nouvelle génération émerge, qui sera plus facilement visible avec des actions d’envergure que par un saupoudrage d’aides trop réduites et dispersées pour être lisibles.

LE PRINTEMPS DE SEPTEMBRE À TOULOUSE

Jusqu’au 14 octobre, divers lieux, Toulouse, tél. 05 61 21 05 47, www.printempsdeseptembre.com, lun.-ven. 12h-19h, sam.-dim. 11h-19h. Journal Hamsterwheel et Magazine Wheeeeel, 5 euros.

LE PRINTEMPS DE SEPTEMBRE

- Nombre de lieux d’exposition : 7 « Hamsterwheel » - Initiateurs : Franz West et Urs Fischer - Nombre d’artistes : 23 « Wheeeeel » - Commissaires : Marie-Frédérique Hallin et Thierry Leviez - Nombre d’artistes : 24

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°266 du 5 octobre 2007, avec le titre suivant : Un printemps rafraîchissant

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