Architecture

Un bâtiment encyclopédique

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 6 juillet 2020 - 452 mots

Paris -  Rarement un bâtiment n’aura déployé autant d’énergie pour justifier de son implantation.

« C’est un immeuble-totem qui fait écho à la production architecturale du XIIIe arrondissement de Paris, raconte Augustin Rosenstiehl, cofondateur de l’agence parisienne SOA, mandataire du projet. L’idée était, à travers un exercice didactique, de dévoiler les présences de l’inconscient urbain de ce quartier Tolbiac-Masséna, depuis la colline d’Ivry jusqu’aux quais. » Le projet, implanté sur l’avenue de France, face à la BnF, est à lui tout seul une encyclopédie architecturale dudit arrondissement. Jugez plutôt : une double tour qui fait écho à celle dessinée par Frédéric Borel pour l’École nationale d’architecture Paris-Val de Seine, plantée à une encablure de là ; des fenêtres et des balcons « en escalier », clins d’œil appuyés à la tour du Nouveau Monde bâtie en 1971 par Philippe Deslandes, rue Dunois ; un pavillon-préau qui rappelle les bâtiments-pagodes de la « dalle des Olympiades » ; un socle en mur-rideau bois/acier au motif à deux pans faisant implicitement référence aux halles ferroviaires du site ; enfin, une utilisation de la brique pleine qui n’est pas sans évoquer moult immeubles alentour, en particulier rue du Chevaleret… une ville dans un immeuble, en quelque sorte. Et vice versa, car l’ensemble fait tout sauf patchwork. Celui-ci loge un programme mixte : soixante-quinze logements sociaux, une crèche collective de trente berceaux et un centre d’art sur deux niveaux (La Fab.), autrement dit le fonds de dotation de la styliste Agnès b. Surface totale : 7 870 m2, dont 1 400 m2 pour La Fab. (galerie, salle d’exposition, librairie et bureaux). Coût des travaux (hormis ceux de l’aménagement intérieur de La Fab., non communiqués) : 12,1 millions d’euros HT.Chaque partie du bâtiment est dédiée à une fonction, soit, peu ou prou : les logements au-dessus, la galerie au-dessous et, au milieu, la crèche, fine lame entièrement vitrée qui déploie son accueil à l’arrière de la parcelle, sur la promenade plantée. En outre, deux « étrangetés » scandent ce projet. D’abord, l’édifice est bâti sur le vide ou presque, en réalité sur la dalle qui couvre les voies de chemin de fer reliant la gare d’Austerlitz. Ainsi est-il supporté par une quarantaine de monumentales colonnes de béton encadrant les rails, munies d’étonnantes « boîtes à ressorts », un ingénieux dispositif qui permet de parer aux vibrations causées par les trains et d’assurer le confort acoustique de l’ensemble. On peut d’ailleurs en découvrir une de visu à l’entrée de La Fab., bien en sécurité derrière sa vitre coupe-feu. Ces énormes colonnes permettent de réaliser un second exploit. Le bâtiment se fait un malin plaisir à défier Newton en jouant avec la gravité : la partie « lourde », en briques pleines, repose sur la partie « légère », le mur-rideau. L’effet est bluffant.

À savoir
Fondée en 2001 par Augustin Rosenstiehl et Pierre Sartoux, l’agence SOA compte aujourd’hui cinq architectes associés. En 2012, ils créent le Laboratoire d’urbanisme agricole, avec pour objectif d’« intégrer la culture, le jardin et les productions du vivant parmi les évolutions de la ville, une façon de mener les grands défis environnementaux et énergétiques de notre époque ». Ledit laboratoire de recherches pluridisciplinaires alimente toute la production de l’agence. www.soa.archi
À voir
Immeuble de logements sociaux, crèche et centre d’art, avenue de France et place Jean-Michel-Basquiat, Paris-13e.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°735 du 1 juillet 2020, avec le titre suivant : Un bâtiment encyclopédique

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