Ubu aux jeux pataphysiques

Par Magali Lesauvage · L'ŒIL

Le 13 avril 2017 - 329 mots

TOURNÉE - Lorsqu’il créa la marionnette du Père Ubu en 1896, Alfred Jarry ne lui imaginait peut-être pas une telle destinée.

Le célèbre roi de Pologne, par ailleurs docteur en pataphysique, apparaîtra dans quatre pièces. Il n’a cessé, depuis, d’inspirer les artistes : d’abord les nabis et en particulier Pierre Bonnard, qui livre des dessins pour le fameux Almanach illustré du Père Ubu, ou plus récemment Jean-Christophe Averty, décédé le 4 mars 2017, pour des adaptations télévisées. Créé à Avignon en 2015 et retravaillé depuis, lors de tournées qui l’ont conduit de salles des fêtes en garage automobile, avant un passage prolongé aux majestueuses Bouffes du Nord en avril, l’Ubu mis en scène par Olivier Martin-Salvan ne déroge pas à la règle. S’inspirant à la fois d’Ubu roi et d’Ubu sur la butte de Jarry, la pièce reprend l’esthétique originelle du spectacle de marionnettes en confiant la scénographie et les costumes au duo Clédat & Petitpierre. Plasticiens et performeurs, ceux-ci naviguent depuis une trentaine d’années entre art contemporain et spectacle. Inventeurs de « sculptures à activer » à la beauté synthétique, Yvan Clédat (à la scénographie) et Coco Petitpierre (aux costumes) rejouent sur le mode burlesque la folie du théâtre dada, qu’ils transposent des centres d’art à la rue, dans des « parades modernes » énigmatiques.

Pour Ubu, les artistes habillent les cinq interprètes de justaucorps en Lycra aux couleurs franches, qui semblent tout droit sortis de tableaux de Malevitch. La mise en scène et la chorégraphie (par Sylvain Riejou) semblent quant à elles avoir été écrites pour une cérémonie d’ouverture de Jeux pataphysiques. Le texte minimaliste de Jarry se trouve ainsi entrelardé de séances essoufflées d’aérobic et de chansons sirupeuses de type Eurovision, tandis que le décor se modifie au gré de l’installation de matelas d’exercice, qui finissent par former une scène de naufrage au sublime pathétique. Le drame au comique brut – rappelons qu’Ubu est l’histoire d’un coup d’État sanglant et se clôt par une piteuse fuite – n’en est que plus mordant.

Quoi ?
Ubu, d’Olivier Martin-Salvan
 
Où ?
En tournée au théâtre des Bouffes du Nord à Paris (5-23 avril), à la Maison des arts à Créteil (25-29 avril, et 3-6 mai), au théaÌ‚tre de Villefranche-sur-Saône (13, 15-16 et 18-20 mai), au théaÌ‚tre du Grand Marché CDOI à Saint-Denis-de-la-Réunion (23-24 mai) et à la Halle aux grains de Blois (6-7 juin)

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°701 du 1 mai 2017, avec le titre suivant : Ubu aux jeux pataphysiques

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