Collection Lambert

Twombly au passé

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 19 septembre 2011 - 471 mots

« Le temps retrouvé » dévoile à Avignon un Twombly photographe décevant, au terme d’un parcours marqué par la nostalgie.

AVIGNON - On connaissait Cy Twombly peintre et sculpteur ; le voilà photographe. Quelques jours avant le décès du maître américain survenu le 5 juillet, la Collection Lambert en Avignon révélait sa pratique photographique, méconnue jusque-là.

Avec une référence proustienne appuyée, l’exposition « Le temps retrouvé » n’est pourtant pas qu’une présentation des seuls clichés de Twombly, mais un large parcours photographique pensé par Éric Mézil, directeur de l’institution, et l’artiste lui-même. Il débute à la fin du XIXe siècle dans l’atelier de Rodin pour s’achever sur les travaux de l’Américain.

Images floutées
C’est le premier écueil de cet accrochage que de refuser la confrontation entre Twombly et ses « invités » et leurs formidables travaux, parmi lesquels figurent Lartigue, David Claerbout, Cindy Sherman, Hiroshi Sugimoto ou Diane Arbus ; les clichés du maître n’étant révélés qu’au terme du parcours. L’exposition explore le lien fort de l’art moderne à la photographie (à travers Degas, Bonnard, Vuillard, Maurice Denis, Brancusi…) et révèle des images remarquables mettant en exergue des trajectoires qui, de manière parfois anecdotique, se sont déplacées vers la pratique photographique. Mais s’agissait-il là de légitimer cet usage chez Twombly ?

Un autre axe intéressant du « Temps retrouvé » traque l’image dans un mouvement paradoxal, métaphore d’une décomposition temporelle. Il trouve sa formalisation dans la confrontation d’une planche de corps féminins de Muybridge (v. 1870) et d’une incroyable Autobiography (1980) de Sol LeWitt, soit des centaines de photographies documentant la totalité du contenu de sa maison au moment d’un déménagement.

Hormis quelques clichés très nerveux du début des années 1950, exécutés au Black Moutain College, mais aussi dans l’atelier de Rauschenberg ou le sien propre, les images de Twombly  – fruits, fleurs, détails d’ateliers, de sculptures ou d’intérieurs italiens  – sont floutées, baignées de lumière et souvent surexposées, comme inscrites dans une torpeur hors du temps, enfermées dans la nostalgie d’une autre époque.

L’exemple le plus symptomatique est réuni dans la dernière salle du parcours, avec des prises de vue de la plage de Gaeta, entre Rome et Naples, où vivait l’artiste. Réalisées en 2005, elles ont l’aspect d’images des années 1950. Mais ce brouillage des frontières temporelles, cet anachronisme volontaire, n’apporte rien.

En peinture et en sculpture, grâce à une forme d’écriture novatrice, Cy Twombly était merveilleusement parvenu à fondre l’héritage classique qu’il était venu chercher en Italie dans un discours visuellement et résolument contemporain. Son avant-gardisme n’a plus court sur le papier photographique.

LE TEMPS RETROUVÉ. CY TWOMBLY PHOTOGRAPHE ET ARTISTES INVITÉS

jusqu’au 2 octobre, Collection Lambert en Avignon, 5, rue Violette, 84000 Avignon, tél. 04 90 16 56 20, www.collectionlambert.com, tlj sauf lundi 11h-18h. Catalogue coéd. Actes Sud/Collection Lambert, 2 vol. 184 et 200 p., 49 euros, ISBN 978-2-7427-9741-7.

LE TEMPS RETROUVÉ

Commissaires : Cy Twombly et Éric Mézil
Nombre d’artistes : 31
Nbre d’œuvres : environ 250

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°353 du 23 septembre 2011, avec le titre suivant : Twombly au passé

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