Architecture

Tronc commun

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 22 janvier 2020 - 454 mots

États-unis -  Pour visiter le nouveau pavillon de Diébédo Francis Kéré dans le parc de sculptures Tippet Rise, à Fishtail, aux États-Unis, inauguré en juillet 2019, mieux vaut s’y prendre en amont.

La raison ? Le rude climat hivernal du Montana, entre vents intenses et abondantes chutes de neige, fait que l’ouverture du lieu au public dépend chaque année de la date de fonte de ces dernières. Les conditions climatiques furent d’ailleurs un point incontournable du cahier des charges, ledit édifice étant appelé à résister en particulier à des vents de 160 km/h. Baptisé Xylem, ce bâtiment est un disque parfait de 195 m2, planté dans un paysage naturel de prairies et hautes collines. « La figure de cercle me vient du fait de faire partie d’une communauté, d’une éducation où tout le monde s’entraide et se soutient, explique Kéré. L’idée de cette architecture est née de la nécessité de créer un espace où les communautés peuvent se rencontrer et, en même temps, un lieu qui les protège, un refuge. »Pour imaginer cette forme géométrique, l’architecte s’est inspiré des Togunas (ou « cases à palabres » des villages dogons d’Afrique de l’Ouest, des structures sacrées faites de bois et de paille. Ici, le matériau aussi a joué un rôle prépondérant : il s’agit principalement de pin mort – à la suite de l’invasion d’un insecte coriace, le dendroctone ponderosa –, collecté dans le Montana et dans quelques États alentour comme l’Idaho et le Wyoming. Au total, pas moins de 20 000 rondins, soigneusement triés et « pelés », ont été nécessaires pour ériger le pavillon. Sa grande qualité, outre ce matériau récupéré, réside dans l’ingéniosité de sa construction : une structure métallique en nid-d’abeilles constituée de 31 hexagones et reposant sur (seulement) sept piliers en forme de « Y ». Autant son gabarit (un cercle de 16 m de diamètre) est élémentaire, autant le « remplissage », lui, s’avère d’une stupéfiante complexité. Maintenus ensemble grâce à de très longues vis (6 pieds, soit 1,8 m), les rondins de différentes hauteurs et assemblés par groupes de 13 à 30 viennent prendre place, à diverses altitudes, à l’intérieur de la structure en hexagones. Comme par magie, cette dernière devient soudain entièrement invisible grâce au remplissage de bois, si bien que les rondins paraissent littéralement flotter. Un exploit !Au sol, se déploie un étonnant « mobilier », profondes et sinueuses banquettes fabriquées elles aussi en rondins, sculptées telles des vagues. « Compte tenu de l’immensité de la nature alentour, nous nous sommes concentrés sur sa partie intime et secrète : le cœur d’un arbre, souligne l’architecte. Xylem permet à la fois de retrouver une forme d’intimité dans la monumentalité de cet endroit et d’ouvrir sur l’horizon en son entier. » Kéré a fait de ce belvédère organique un espace de contemplation idéal.

À savoir
Burkinabé naturalisé allemand, Diébédo Francis Kéré, 54 ans, a ouvert son agence en 2005, à Berlin, tout en conservant une filiale dans sa ville natale de Gando, au Burkina Faso. Il s’est fait connaître en 2011 dès sa première réalisation, une école élémentaire en terre crue et à la ventilation naturelle, avec laquelle il décroche, en 2004, le Prix Aga Khan pour l’architecture. En 2017, il fut le premier architecte issu du continent africain à ériger un pavillon d’été pour la Serpentine Gallery, à Londres.
À voir
Tippet Rise Art Center, 96 South Grove Creek Road, Fishtail, Montana (États-Unis), tippetrise.org

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°731 du 1 février 2020, avec le titre suivant : Tronc commun

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque