DESIGN « créatoilettes »

Transit à grande vitesse

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 10 juin 2009 - 694 mots

Transit à grande vitesse.

Savez-vous quel est l’un des principaux motifs d’insatisfaction de l’usager du TGV ? La propreté des toilettes. En particulier sur les « longues distances », en clair : plus d’une heure, selon le chronomètre SNCF. Au-delà, les fameux « indicateurs de satisfaction client » virent immédiatement au cahier de doléances. Rien d’étonnant étant donné l’hygiène plus qu’approximative de ces W.-C. roulants et a fortiori… publics. D’où cette présentation attendue, le mardi 19 mai, à Paris, des « nouveaux designs des toilettes TGV pour plus de confort à bord ». Cerise sur la balayette : la possibilité de visualiser ces aménagements inédits à bord d’un TGV Duplex amarré gare de Lyon, voie 23. Visite guidée par Mireille Faugère, directrice générale déléguée SNCF Voyages. « En 2009, la SNCF va investir sur les fondamentaux », a-t-elle affirmé d’emblée. Or, mis à part le transit ferroviaire, quoi de plus fondamental, pour le passager TGV, que son… transit intestinal. « Nos trains circulent de plus en plus et de plus en plus loin, le taux d’occupation des toilettes est donc de plus en plus important, précise Mireille Faugère. La perception que l’on a des toilettes et leur propreté participent au confort du voyage ». D’où ces toilettes « nouvelle génération. »

Une décoration
Celles-ci ne sont pas sorties du chapeau. L’an passé, la SNCF a commandité à l’agence de communication Plan créatif une étude intitulée Ambiances et tendances des toilettes publiques. À la suite de son analyse, Plan créatif a pondu « Créatoilettes » : « six concepts jouant sur les usages, les décors, les parfums, les lumières, les musiques », lesquels ont été testés grandeur nature, pendant quatre mois, sur une rame TGV. En fait de « concept », il s’agit plus exactement d’une décoration à l’aide d’… autocollants – nommés pudiquement « pelliculage d’ambiance » par la SNCF. Selon cette dernière, le « niveau de satisfaction clients » est alors passé de 11/20 à 14/20. Résultat : le choix par l’entreprise nationale de quatre « univers » on ne peut plus ringards, baptisés « galets » (avec, en prime, mouettes au plafond), « herbes sèches », « ruban d’eau » (plus poisson rouge) et… « salle de bains ». Grotesque ! Le tout agrémenté de « nouvelles fonctionnalités » proprement révolutionnaires : la patère, autrefois à l’aplomb de la cuvette (quelle idée !), a été fixée sur la porte ; l’éclairage jaune a blanchi ; le papier hygiénique n’est plus en feuilles mais en rouleau ; le savon n’est plus liquide mais en mousse ; enfin, seront répandus, dès la fin 2009, des « parfums désodorisants ». Bref, elles sont loin les toilettes du Corail d’antan version Roger Tallon, designer de son état, avec son espace généreux, sa large vasque et… sa fenêtre dispensant de la lumière naturelle. D’ici à la fin de l’année, 40 rames TGV Duplex à destination du Sud-Est seront transformées (600 toilettes) et, à la fin 2010, 108 rames à double étage – soit un quart de la flotte TGV – auront été habillées (1 400 toilettes). Coût de la mue : 1,6 million d’euros.
On a du mal à croire que quelques autocollants suffiront à changer l’allure du petit coin, lequel n’a jamais aussi bien porté son nom que dans un TGV Duplex : 3 m2 pour le W.-C. bas, 2 m2 pour le W.-C. haut. Car les deux problèmes de fond des toilettes embarquées – confort et propreté – ne sont pas résolus. Quid du « Laboratoire de projet sur le confort ferroviaire » proposé par la SNCF, en 2005, aux étudiants de l’École nationale supérieure de création industrielle, à Paris (lire le JdA no 210, 4 mars 2005, p. 4), et qui s’était notamment penché sur… l’accessibilité et l’hygiène des sanitaires dans les futurs TGV ? Et pourquoi ne pas avoir fait plancher un designer pour repenser l’espace en son entier ? La réponse figure dans un entrefilet du dossier de presse : « Les toilettes ne vont pas faire l’objet à court terme d’un programme de rénovation […]. » Or un autocollant ne fait pas le printemps. Et jamais la cosmétique n’a remplacé le design.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°305 du 12 juin 2009, avec le titre suivant : Transit à grande vitesse

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