Bande dessinée

Tomi Ungerer, illustre

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 21 février 2019 - 397 mots

Tomi Ungerer pensait que la seule façon d’avoir du talent était de le partager. C’est ce que le dessinateur indiscipliné a fait toute sa carrière, de ses premiers dessins publiés dans les années 1950 à sa disparition, le 9 février dernier.

Si la France connaît bien l’illustrateur jeunesse à travers d’inoubliables livres pour enfants (Les Trois Brigands et Jean de la Lune), elle est en revanche passée à côté de l’agent provocateur, dont le trait n’avait d’égal que celui de son aîné Saul Steinberg.

Né le 28 novembre 1931 à Strasbourg, Jean-Thomas, futur Tomi Ungerer, fut allemand à l’école, français à la maison et alsacien dans la rue. Ce conflit identitaire et les horreurs de la guerre développèrent chez lui un oeil acéré pour laquelle la vivacité de l’esprit – et les idées qui en découlaient – était tout entière tournée vers la main. Grand moraliste devant l’éternel, ses leçons passaient par l’humour. À son arrivée à New York en 1956, Ungerer fait immédiatement un carton. Il croque les travers de la société américaine, la ségrégation raciale et la guerre du Vietnam sans prendre de pincettes. L’université de Columbia en sera pour ses frais, qui lui refusera la série d’affiches qu’elle lui avait pourtant commandée sur le Vietnam.

En 1966, le satiriste signe The Party, livre dans lequel il croque avec férocité la bonne société américaine. Dans des dessins au vitriol où des rats sortent des yeux des gentlemen et où les seins des dames tombent sur le tapis de billard, Ungerer se place en digne héritier d’Otto Dix et de George Grosz. The Party vient tout juste d’être réédité par les éditions des Cahiers dessinés – qui avaient déjà rassemblé en 2016 une série de dessins noirs et cruels dans l’ouvrage Pensées secrètes. L’éditeur vient parallèlement de rassembler dans le recueil In Extremis des dessins sociaux et politiques d’Ungerer. On y retrouve sa célèbre affiche Black Power, White Power, dans laquelle un « White Face » croque le pied d’un « Black Face », et vice versa. On y découvre aussi la série de lavis réalisés sur le ghetto de Varsovie pour illustrer, en 2004, un livre de l’écrivain Zvi Kolitz. Il était déjà urgent d’acheter ces deux ouvrages ; depuis la disparition de leur auteur, il est devenu indispensable de se les procurer pour voir quel grand dessinateur la France et le monde ont perdu. 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Tomi Ungerer, illustre

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