Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart

Sur le feu

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 8 juillet 2004 - 531 mots

L’envie soudaine de paraphraser Alfred Jarry : « La scène se passe à Nanterre, c’est-à-dire nulle part… ». No man’s land rugueux au-delà des tours scintillantes de la Défense… Des échangeurs, des ronds-points, quelques tours et barres éparses pour ponctuer des zones qui semblent plus désertées que désertiques. Et puis, au sortir d’un carrefour incertain, à l’aplomb de l’avenue de la République, un long ruban métallique brillant, formant carré, lui-même surmonté d’une autre masse métallique, mordorée celle-là, éclate dans le soleil de juin.
Voilà enfin le Centre de secours et unité de maintenance pour la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, édifié là par Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart (1), au terme d’un concours remporté haut la main. Le chantier a été rondement mené puisqu’il n’aura fallu que deux ans aux architectes pour livrer les 11 500 mètres carrés d’un équipement dont la simplicité le dispute à la complexité. Tout, ici, respire l’efficacité. Et force est de constater, d’emblée, que cette efficacité, ce souci d’hyperfonctionnalité a généré l’esthétique du tout.

Barres de descente rapide
Au niveau de la rue, derrière le ruban en inox perforé dont chaque tôle a été précisément dessinée pour rompre la linéarité et créer des rythmes puissants, se trouvent la remise pour les engins, les ateliers de mécanique et de maintenance, le pôle restauration, les espaces de détente et un gymnase impressionnant qui donne, au vu des appareils qui s’y confrontent, la mesure de l’entretien physique des sapeurs-pompiers.
Dans la cour carrée, ceinturée de projecteurs qui permettent de l’éclairer a giorno en pleine nuit, s’élève une tour noire et mystérieuse, bardée d’escaliers, de tubes, de balcons et de surplombs. C’est, bien sûr, la tour d’entraînement des pompiers, là où ils apprennent à escalader, à dévaler, à jaillir, là où ils se confrontent aux risques de noyade, d’enfumage… bref, l’école du feu et autres catastrophes naturelles.
La masse mordorée qui domine l’ensemble accueille les logements des cent pompiers qui composent l’effectif de cette caserne régionale : chambres collectives ou particulières et appartements où la lumière pénètre de toute part, selon que les hommes soient célibataires, mariés ou gradés. Le tout est réparti en trois cages d’escaliers. Car escaliers il y a, tout autant qu’ascenseurs. Mais ce qui frappe, évidemment, ce sont les barres de descente rapide. Une fois encore, tout le système repose sur l’efficacité. En cas d’alerte, les pompiers n’ont que 45 secondes pour réagir !
Selon Jean-Marc Ibos, ce souci constant d’hyperfonctionnalité aura été « une belle expérience doublée d’une vraie leçon d’adéquation de la forme à la fonction ».
En bordure de l’avenue, une longue et large rue intérieure distribue avec efficacité encore l’ensemble des services et des aménités. Au sol, une résine travaillée et vibrante donne la curieuse impression que tout est inondé. À ce clin d’œil se superpose une obligation légale qui fait sourire en ce lieu qui, nécessité faisant loi, est en permanence sur le feu. Au mur, un plan d’évacuation de la caserne accompagné de ces mots : « En cas d’incendie, gardez votre calme et déclenchez l’alarme. Prévenez-le… » On n’est, en définitive, jamais si bien servi que par soi-même.

(1) Avec la collaboration de Gilbert Lézénes, Pierre Soria et Architecture Studio.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°197 du 8 juillet 2004, avec le titre suivant : Sur le feu

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